Mmmh. Aïe ma tête … Qu’est-ce que je fais sur un sol en béton ? À tous les coups, je me suis pris la cuitasse du siècle hier soir avec la septième compagnie de Davidna la Maravillosa, mais je ne me souviens plus de rien … Black-out total. Aïe ma tête … Mais … Qu’est-ce que ces murs ? Mais … Ce n’est pas ma chambre. Ce n’est pas ma maison. Et puis … c’est drôlement haut dis-donc ! Il y a au moins trois mètres sous plafond ! Et cette lumière … Elle vient d’où ? Il n’y a pas de fenêtres, à moins que … là-haut ? Quelle idée absurde et foireuse. À tous les coups une erreur des ouvriers hongrois : ceux-là, on ne peut pas leur faire confiance. Mais pourquoi les rayons du soleil sont comme barrés de stries ? Attends, je me frotte les yeux, ça doit être une illusion visuelle … et non, en fait. C’est bizarre, on dirait qu’il y a des barres aux fenêtres, à moins que …

NON. Je me lève soudainement. Des barreaux ??? Je suis dans le sous-sol d’une no go zone ou quoi. A moins que … ? Mon Dieu Ma Céline, dites-moi pas que c’est vrai …

(en moldave)

– Madame Lamburosco ? Inspecteur Vasile Gozhanu. (aux gardiens) Asseyez-la avant qu’elle ne tente de s’échapper.

Générique

Avertissement de l’auteur : L’histoire suivante met en scène des personnes réelles dans une situation fictive et purement fictive, ce depuis l’épisode 1 de La véritable histoire de Davidna L.

Dans ma vie, j’avais fait bien des rêves. Enfant, je me voyais déjà en haut de l’affiche, aimant la vie davantage que Sandra Kim, parce qu’elle est avant tout un cadeau (la vie, pas Sandra Kim-, et c’est ainsi qu’on avait demandé à mes parents de ne pas partir sans moi et de me laisser les suivre depuis mon Nord-Pas-de-Calais natal, eux qui volaient vers une autre vie, celle de tenanciers d’un commerce pour adultes sur le boulevard de Clichy, côté Paris IXème, dont ils me essayèrent longtemps de me dissimuler l’activité fort florissante malgré le contexte de l’époque, celui de la mort progressive du circuit X, tentant de me faire croire jusqu’à mon entrée au collège qu’ils géraient une boulangerie-pâtisserie à horaires décalés, mais je n’étais point dupe.

Jeune pucelle, vêtue du maillot rouge avec lequel je courrais sur les plages californiennes, bien poitrinée et planche à la main, je n’aspirais qu’à être prise dans une tempête sur une plage de Malibu telle Carola Häggvist, accompagnant les deux David, Hasselhoff et Charvet dont j’aurais hydraté de citronnade les corps transpirants d’athlètes qui tapissaient les murs de ma chambre. Ma majorité sexuelle acquise, sentant les effluves de l’Eurovision m’imprégner avec ardeur et fleurant l’Eldorado irlandais, je n’avais d’yeux que pour Rocco depuis la caisse vitrée des salles de projection. J’en découvrais les performances cachée dans la cabine, au mépris du regard de mes parents qui jugeaient immoral de me socialiser à l’art de la sorte. Casanova me laissa d’ailleurs un souvenir impénétrable, et vous comprenez mieux aujourd’hui mes rapports compliqués avec Gisela, la pseudo-andorrane qui loupa de peu la nationalisation qu’on offre à ces joueurs de handball de série C souhaitant intégrer l’équipe nationale du Qatar. Autant vous dire que lorsqu’elle me surprit dans la cabine un soir de printemps, ma mère Anastaziya Petrushka Volevovna n’y alla pas de main morte, mais sûre de mon bon droit, je lui rendis la pareille sur la place publique, et ce fut au propriétaire de l’échoppe voisine et à son vendeur exploité de nous séparer avant que le spectacle ne vire au macabre. En même temps, il s’en passe tellement à Pigalle … D’ailleurs le jeune vendeur et moi … Bref, c’est immoral.

À dix-neuf ans ans, des étoiles plein les yeux à l’écoute de mes nouvelles idoles Charlotte Nilsson et Selma, je prenais la direction de Reykjavik, Islande – avant que la destination ne devienne hype quinze ans plus tard – pour fuir mon échec inacceptable à la sélection nationale française de l’année 1999, pour ce qui était mon premier casting eurovisionesque. Je doutais tellement de moi à l’époque, idiote que j’étais, car je les écrasais tous autant qu’ils étaient et allegria, à commencer par la pseudo-sosie de Céline qui s’adonnait à de drôles d’incantations fort heureusement révélées par la presse internationale. Mal logée sur un siège de classe économique d’Air Littoral la dernière année avant la cessation d’activités de la compagnie aérienne durement payé au prix de longues et éprouvantes heures de caisse chez Franprix, je rêvais de l’Afrique, comme ma cousine Veronika-Ksusha (prénom composé), qui s’y retira quelques années auparavant dans une tribu ascétique du Botswana dont elle est depuis devenu le mentor répondant au nom de Tata Coumba. Je comprends mieux pourquoi elle avait une obsession le poulet Yassa plus jeune …

Deux ans plus tard, histoire de fêter ma majorité américaine, je faisais mon entrée tonitruante dans l’euromonde, faisant une arrivée légendaire sur le tarmac de l’aéroport de Copenhague, qui m’inscrivait déjà dans l’histoire du concours, moi qui depuis mon premier casting avait appris à mon avantage que je brillais bel et bien de mille feux.

En 2004, toujours précurseuse de mon état, je songeais aux bienfaits d’une randonnée de six semaines au Radjasthan, payée aux frais des contribuables parentaux dont j’avais détourné l’attention pour mieux me servir dans la caisse : malgré la crise du secteur, ils avaient réussi à diversifier leurs activités et à embaucher du personnel de première main, ce qui leur avait permis d’étendre leur rose empire sur le boulevard en vue de m’en laisser les clés, ce dont j’actais le refus ferme et définitif la veille de mon départ pour Istanbul. Résultat : ils me licencièrent de mon poste sans ménagement et me vilipendèrent pour mon insoumission à leurs yeux inacceptable (je me me doutais bien que ma mère n’avait jamais dépassé le stade de l’Union Soviétique, ce qu’elle prit fort mal lorsque je le lui annonçai), oubliant juste de me demander la restitution de la carte bleue du Blue Iguana Tropico Video, dont la fréquentation explosait anormalement et les finances avec. Et en même temps, en dépit de quelques approximations qui en faisaient une artiste largement inférieure à moi qu’on aurait pu baptiser Divina, je me rêvais à de sauvages danses diurnes et nocturnes en compagnie de Ruslana, moi qui à l’époque avait encore beaucoup d’amitié pour l’Ukraine, soeur consanguine si chère à nos votes et à mon coeur, mais ça c’était avant qu’elle ne renie Maruv.

Dès lors qu’elle irradie les foules comme moi, une dame ne doit plus jamais révéler son âge et qu’autrui ose se poser la question revient à faire montre d’extrême indélicatesse, fut ce dans une vie antérieure de l’Oncle Bonmee. À la veille de l’an 2010, j’avais déjà accompli une belle partie du chemin et j’en étais fière, fière au point que j’avais pour la première fois enflammé la scène de l’Euro-club de Moscou avec ma reprise franco-russe de La noche es para mi. La délégation tchèque se montre particulièrement enthousiaste, elle qui désespérait d’ajouter un poil de décence à ses sélections aussi catastrophiques les unes que les autres. À tel point que je n’osais pas même achever le cheval à deux doigts de décéder lorsque le chanteur de Gipsy.cz partagea avec moi ses terribles et légitimes doutes. Au moins posait il un regard lucide sur leur terrible reflet dans le miroir musical. Il suffisait seulement que je leur pompe dix mille de plus pour leur sortir le tube tchécoslovaque de l’année pour Oslo … sauf qu’ils ont préféré le retrait au préservatif eurovisionesque que je représentais pour eux, moi qui allais enfin leur offrir les ors de la victoire et d’une organisation à domicile sans avoir le moindre rond de côté ne serait-ce que pour offrir une binouze aux Blue. Dire que j’aurais été obligée de sorti vingt millions de ma poche pour financer l’event, nom de Zeus, Marty … Même cent mille ans de galas n’auraient pas suffi à amortir le trou de feu ce crédit inimaginable. À moins de conclure des épousailles intéressées …

J’avais donc accompli une impressionnante partie du travail initiatique destiné à me mettre en pôle position pour la victoire, commençant à atteindre une notoriété légitime, au point où j’étais sollicitée tant pour le joyeux monde des eurofans que par l’international pour enchaîner les performances mémorables, au point de louper de peu un duo avec Kylie Minogue pour des questions de logistiques de la part de la star australienne, car cette dernière, has been depuis 1987, n’aurait pas apprécié d’être reléguée dans l’ombre par la nouvelle star que j’étais, brandissant mes disques d’or et de platine partout où je passais en me faisant offrir l’intégralité de mes verres, et je peux vous dire qu’en la matière, les pays baltes avaient grave casqué. Ah la Lettonie et son goût du particulier … Paraît-il que cela aurait fort vexé Samantha Tina, et à sa place, j’aurais eu la même réaction, ô jalousie quand tu nous tiens … Y compris à Malmö, où à l’occasion de la cuite du siècle à coup de schnaps, je défrayai la chronique suite à un léger différend avec Natalie Holer, car je lui expliquais affablement qu’elle n’était pas à la hauteur de son titre qui aurait dû me revenir depuis belle lurette.

Ce soir, je serais glorieuse. Oui, comme le disais Jean-Jacques à l’époque où il n’était pas encore un vieux schnock ayant fui à Londres pour bénéficier d’un système fiscal favorable , j’irais au bout de mes rêves, à la différence que jamais la raison ne m’achèvera car je suis la raison et le talent incarnés, n’en déplaise à ces gueux qui se masturberaient des heures entières devant un pauvre violon norvégien à en achever le bout du gland de ce miséreux Scrat manu militari. Mais comme me le disait mon père Giorgino (pour une fois que ce pingouin déguisé en père s’exprimait avec pertinence, au grand désespoir de mes grands-parents maternels qui voyaient d’un mauvais oeil son influence néfaste sur leur progéniture biberonnée à la vodka), « L’honneur avant tout, et il sera ainsi au service de ta majesté ». Je m’étais ainsi jurée que jamais je ne me rabaisserai à ces Rybak & co de caniveau. Au diable violons, contes de fées, satellites, noyaux d’abricots et trampolines, et que vive le génie de Davidna, telle un perroquet bleu qui boit du lait de coco dans un tableau du Douanier-Rousseau, voletant au-dessus de ces miséreux qui n’arriveront jamais au dixième de la hauteur de son alux de guerrière.

Je passe sur quelques années de mon fabuleux destin, histoire de ne pas davantage vous enfoncer dans votre médiocrité. J’avais donc fait bien des rêves, la plupart eurovisionesques, mais toujours teintés de grandes ambitions, fruits de la femme exceptionnelle que je suis. Moi l’éternelle visionnaire aux projets dignes de l’artiste extraordinaire et accomplie que je suis, je me jetterai sur les foules telle Néron, couverte d’une peau de lion et me déchaînant sur mes proies au beau milieu du Colisée et répandant mes fluides organiques sur les foules électrisées par tant de cosmos. Oui, j’assume ne point faire partie du commun des mortels et de n’avoir pour supérieure que Dieu Céline, ni les diables ni les dieux ne suscitant pas en moi la moindre terreur contrairement à la veuve Hallyday, qui voyait depuis le décès de Johnny d’incessantes manifestations de Monsieur, comme lorsque Hélène Darroze se cassa la gueule lors de sa sortie de l’avion à Saint-Barth’. « C’est Johnny » ne cessait de dire Laeticia en levant les yeux au ciel. Et moi je suis El Cordobès.

À noter que je tiens ma légendaire prévoyance de celle de la tout aussi légendaire famille maternelle, mon grand-père veillant à bien protéger les maigres finances de la famille avant que mon oncle – le jeune frère de ma mère – n’aille piquer dans la bourse familiale pour se dépenser énergiquement le gosier au PMU du coin, mais sans les paris, parce que vous connaissez l’amour du Bélarus pour l’économie de marché et pour les jeux d’argent, surtout quand notre grand démocrate de président gagne des sommes à six zéros en grattant des lots de Millionaire accidentellement tombés dans sa sacoche pour financer les meilleurs titres possibles pour le concours de l’Eurovision.

Toute ma vie j’ai brisé les règles, I’m like a woolf. Et j’avais tout prévu. Il faut dire que mon grand-père m’avait appris à me méfier de tout, lui qui veillait à bien protéger les maigres finances de la famille avant que mon oncle maternel n’aille piquer dans la bourse familiale pour se dépenser énergiquement le gosier au PMU du coin en bouffant des Millionaire, sport national – vous connaissez l’amour du président de la République Démocratique du Bélarus pour les jeux d’argent, surtout lorsque les sommes à six zéros tombent accidentellement dans son escarcelle.

J’avais tout prévu, car une personnalité aussi merveilleuse et incandescente que moi ne pouvait agir autrement. I was born to be a star, et rien d’autre, plutôt mourir que d’aspirer à récurer les water d’une autoroute en plein tournage d’un film indécent. Seule Céline m’étant supérieure, il était certain que je ne pourrais être qu’une immense artiste, et que toutes les eurostars et autres eurodivas de passage ne pourraient que rendre l’âme sur mon passage dévastateur, comme un ouragan qui tombait sur elles. I’m on the right track baby, I am born this way, ainsi le dit la prêtresse Gaga, la seule à atteindre approximativement mon niveau de déité, et c’est ainsi que la vie m’avait déjà donné de nombreux signes favorables à mes aspirations les plus intimes, ayant même été confondue avec Dami In alors que j’arpentais les allées de la Médersa Koukeldach de Tachkent en Ouzbékistan à dos de dromadaire, saluant ce même public qui m’avait acclamé la veille au soir au Pasha, sous les yeux de la Présidente Ziroatkhon Mahmudovna Hoshimova, épouse de son mari le Président, qui m’avait fait l’honneur d’un accueil fort chaleureux le matin même, lui qui aimait la démocratie autant que moi.

J’avais tout prévu, et quasiment que le meilleur. Je m’efforçais tout de même de penser au pire histoire de faire genre, à un talon aiguille coincé dans une bouche d’aération, ou encore plus improbable, à ces embûches ou cailloux mal placés qui oseraient se mettre en travers de mon chemin, moi qui je ne suis point obsédée du pire. Qu’importe, ma lumière céleste les oublierait, moi l’aspirante à l’éternité, idolâtrée de tous y compris des ressortissants des coins les plus méconnus de l’Univers, de ceux qui échappent même aux moins demeurés des ingénieurs de la NASA. Ces deux caries de Carrie pouvaient aller se rhabiller (Bradshaw et Fisher), ici c’est moi la Reine, celle qui fait et défait les étoiles d’aujourd’hui et de demain, celle là-même qui consacre les Jedi avec le laser qui émane de moi, celle qui fait de l’individu le plus insignifiant du monde une perle de son infini collier qu’elle peut rompre à souhait. Oui, j’avais tout prévu, et j’avais même programmé le futur détournement de l’héritage parental à ma seule et entière disposition, me voyant déjà trôner sur le monde du haut de la Great Davidna Tower de Miami Beach, moi l’énarque populaire du concours Eurovision de la chanson, capable de me mettre à la portée des petites gens comme personne, et Céline sait qu’elles sont nombreuses sur cette Terre, à commencer parmi les eurofans.

J’avais tout prévu. Tout, tout, tout, pour que que rien ne soit jamais fini entre tout. Tout, je vous dis. J’avais tout prévu. Sauf un détail. Sauf un seul et unique détail …

La Moldavie.

Je venais d’être assise de force face à l’inspecteur Gozhanu, en état de choc. Hier encore dans ma somptueuse baignoire, me voilà aujourd’hui au mitard. J’exigeais alors de contacter mon avocat Maître Jean-Honoré de Sainte-Baume-Ouaga-Doug – que je payais si cher à la force de la domination sacrilège pour son milieu social – et d’appeler l’ambassade de France à Chisinau pour dissiper ce considérable malentendu. Je me pris alors une claque dans la tronche de la part du maton bourru qui n’avait aucun égard pour moi, bien que j’avais précisé être Davidna Lamburosco, ce qui les fit fort rire.

(La conversation se déroule en moldave)

– Madame Lamburosco, est-ce bien vous qui avez porté atteinte à l’honneur de Lynda Woodruff ?
– Atteinte, atteinte, c’est un bien grand mot …
– C’est moi qui pose les questions ! On n’est pas en France ici okay !
– Et les droits de l’Homme ça vous dit quelque chose ?
– Les droits de …
(son collègue et lui éclatèrent de rire) Elle parle des droits de l’Homme mouhahahahahaha ! Tiens ! (il lui balance un seau d’eau glacée dans la tronche) et t’as pas intérêt à me prendre de haut toi, sinon (il fait un signe de tranchage de gorge) Couic !

J’avais donc intérêt à me tenir à carreaux. Gozhanu poursuivit. « De toute façon Lynda Woodruff n’est pas le problème, puisqu’ici nous sommes en Moldavie. Bienvenue dans notre beau pays, Davidna, haha ! » Je mourrais d’envie d’aller aux water. « Je vous informe, inspecteur, que vous me détenez illégalement et que je suis en droit d’exiger un avocat  » Nouveau seau d’eau dans la tronche. « Tu sais ce que j’en fais de la légalité ma cocotte ? RAAAAN ! » Et une cervelle d’agneau fraîche, une. « Voilà ce que je ferai de toi si tu ne parles pas » DIOS MIO. « En attendant, tiens, regarde cette photo. »

Wesh cousin. « C’est qui celui-là ? » demandais-je, innocente,. « Tu me prends pour un con ou quoi ? Tu as tenté de l’assassiner la semaine dernière. » Impossible, j’étais déjà confinée depuis sept semaines. « Vous devez couver un Alzheimer inspecteur. » Nouveau seau d’eau dans la gueule : ils n’ont décidément aucun respect pour les femmes dans ce pays. « La ferme ! Vous avez voulu l’achever au pied de biche ! Assassin ! Meurtrière ! » C’est bon, je lui avais tout juste effleuré le haut du crâne. « Qu’avez-vous à déclarer ? » Rien, Vasile, car « Ce n’était qu’un malentendu. » Enfin un malentendu, façon de parler, parce que si cet escroc avait daigné m’offrir le ticket promis pour la finale nationale moldave, je n’aurais pas dû en arriver là, moi qui suis d’ordinaire si sage et à l’écoute de mes prochains.

Il a voulu joué avec mes nerfs, et bien mal lui en a pris. C’est ainsi que je débarquais un jour en 4×4 à ce qui servait de siège à Télé Moldavie : des préfabriqués qui n’avaient pas été rénovés depuis Khrouchtchev et dont le plafond tenait par ma propre miséricorde, des morceaux de placo bringuebalants tombant régulièrement sur la tronche des esclaves qu’il fallait réanimer à coup de plumeau à poussière. Vêtue de ma coiffe à plume empruntée à Joan Franka (pour que la ressemblance soit parfaite), je rentrais dans son bureau, brandissant fièrement de la main gauche brandissant mon arme fatale (je suis droitière). Telle une archeuse sud-coréenne décochant les coeurs de cible aux JO, j’envoyais le pied de biche en direction de Vasile … qui fit exploser le compteur électrique et l’électrocuta, le cuir chevelu blessé par l’engin à peine hirsute. Le tout commençait à cramer et je dus m’enfuir à roller, déguisée en Mimi-Siku de fortune, à travers les allées coupe-gorge de la zone industrielle désaffectée pour rejoindre l’aéroport international le plus proche en passant la frontière en clandé dans une charrue pleine de fumier qui dégueulait de partout. Et c’est ainsi qu’à cause des conneries de ce type, je me retrouvée dans le trou le plus immonde de l’Europe.

– À moins que ce ne soient vos amis du Mossad qui vous aient demandé de le liquider ?

LE MOSSAD ?

Diable, comment a t-il su ?

Flashback. 2013, l’année de ma gloire volée par Cascada qui, une fois n’est pas coutume, l’a payé très cher, puisque l’humiliation subie en finale par les soi-disant grands favoris n’avait d’égale que celle que me fit la délégation allemande en me refusant à la dernière minute le premier rôle de ce moment de standing. Depuis quand préfère t-on une cascade à une divine ? Bref, il y eut des cris, des pleurs, des larmes, des plaintes, des gémissements, surtout de la part de Natalie lorsque je la menaçais de tonte intégrale de sa perruque mal fagotée. Cela manqua de tourner au vinaigre, lorsqu’engoncée dans sa robe sirène, Moran Mazor dégagea l’allemande du passage en la balançant sur la table en verre VIP d’Alcazar, qui explosa au vol. Poursuivie par le service de sécurité de la Mälmo Arena et le chef de délégation allemand, qui ne voulaient rien d’autre que ma mort artistique, Moran et son collègue me firent évacuer en hélicoptère, un sac de patates sur la tête, direction Borgarfjörður eystri en Islande, où elle sollicita mes services secrets.

Évidemment, ce fut un intolérable dilemme, entre la fidélité patriotique à mes trois mères-patries et le rejet eurovisionesque dont elles faisaient preuve à mon égard avec moult injustice qui révolterait même Mariah Carey, dont j’avais l’amitié d’officieux fans slovaques. Cette année-là, en vertu d’officieux bruits de couloir aux accents très officiels, je figurais parmi les dix-huit finalistes internes de France 3 et savais pertinemment que Scroll the pilates (Tribute à la Suède) était la meilleure proposition possible pour la France après deux scandaleuses années de médiocrité corso-indonésienne. J’étais la favorite, sauf qu’au Paradis, France 3 a préféré l’Enfer. J’étais dévastée, et faisais part de mon hésitation à Moran et son collègue, qui ne me laissèrent guère le choix. J’acceptais ainsi de comploter en faveur du Mossad cinq années durant, pour des actions dont la confidentialité m’empêche de témoigner en détail. Sept années ont passé, et j’attends toujours ma participation jurée et crachée à l’Hakovkav Banana.

La situation commençait à sentir le roussi, d’autant plus que je ne voulais ni trahir mes recruteurs, ni me trahir moi-même, tenant à ma vie, surtout que je sentais le canon du pistolet s’approcher de ma tempe droite, ainsi que l’odeur de la perpétuité dans une cage à lapins remplie de douze délinquantes par deux mètres carrés qui, jalouses de mon éminence, n’auraient eu d’autre joie que de me persécuter en me découpant jour après jour en morceaux jusqu’à ce que je daigne rendre le dernier souffle. Mourir dépeucée dans une prison moldave, mais quelle horreur. Je sentais la sentence irrévocable et le flambeau s’éteindre, alors même que je n’étais qu’au début de mon ascension fulgurante. Céline, je suis une célébrité, sortez-moi de là.

Gozhanu s’énervait, et s’apprêtait à jouer de son déclencheur. C’est alors qu’une apparition célinesque se fut.

« – Bonjour messieurs, Pascale Fontenel-Personne, députée de la République Française et observatrice de la mission d’information des établissements pénitentiaires à l’étranger, je vous prie de relâcher notre ressortissante Davidna Lamburosco incessamment sous peu, sinon je devrais en référer au gouvernement français. »

Pascale Fontenel ? THE Pascale Fontenel ?

Oh ma Pascale ! Moi qui ai tant écouté votre Bonheur ordinateur dont vous ne vous êtes jamais relevé, comment se faisait-il donc que vous maîtrisâtes le moldave ?

Gozhanu lui ricana au nez, et la toisa fort vulgairement. C’est alors que Pascale nous fit une Marie N.

En quelques secondes, du tailleur elle passa à la tenue de Lara Croft, cuissardes jusqu’au menton, pour démonter littéralement la tronche du keuf et de son assistant de torture, les faisant virevolter à travers toute la pièce à travers une intelligente combinaison de catch, de kung-fu et de MMA. Si les deux mecs s’en sortis en vie, que Céline ne les préserve pas, mais j’en doutai fort lorsque je vis l’état du gardien des clés devant la salle d’interrogatoire, baignant dans sa propre hémoglobine … et c’est ainsi qu’elle les neutralisa sous mes yeux ébahis. Les trois gars étaient un peu sonnés, tellement que j’étais à deux doigts de leur prodiguer des soins infirmiers. J’étais une nouvelle fois sous le charme, vingt-trois ans après notre rencontre télévisée.

 » – Dépêchez-vous Davidna, je suis garée en double file ! » et c’est ainsi qu’elle me sortit du trou.

Je me réveillai. Clope au bec, lunettes de rangers visées sur le nez, Pascale maîtrisait le semi-remorque comme personne telle Jamy et Fred, mâchant ses figues séchées avec dextérité alors qu’elle roulait au pas de charge sur les autoroutes défoncées de l’Europe orientale, traversant la Bulgarie à fond la caisse comme personne. À la voir, on n’aurait jamais dit une députée sédentarisée dans le confort de ses ors parlementaires, elle qui faisait jadis visiter l’Assemblée à tarif non préférentiel …

– Mais Madame la députée…
– Voyons, appelle-moi Pascale, c’est la family ! (Elle me checka)
– Pascale, les frontières sont fermées !
– T’inquiètes ma biche, je suis députée, et puis c’est l’urgence sanitaire, alors pleins pouvoirs haha ! Et puis pour info, je te rappelle qu’on est déjà en Bulgarie.

– En Bulgarie ? Mais on ne rentre pas en France ? Vous m’emmenez où ? Et puis vous n’avez pas du travail ?
– On fait juste un petit détour histoire de profiter du paysage une dernière fois avant votre inculpation en France …
– Pardon ?
– Bah vous croyez quoi ? Que j’ai fait tout ce chemin au risque de me choper un covid dans un pays en voie de développement ? Il faut bien que je vous livre aux autorités françaises !

– Hein ? Parce qu’elles sont au courant ?
– Évidemment que non, mais en tant que garante de l’ordre et de la sécurité des citoyens, tu comprendras que je suis obligée d’alerter nos forces de police dès qu’elles seront disponibles !


On passait alors près d’une aire d’autoroute à hauteur de Blagoevgrad.

– Arrêtez-moi là j’ai besoin de pisser.
– Très bien.
– Et rendez-moi mon portable tant qu’à y être, histoire que je prévienne mes proches. Ainsi que mes effets personnels.
– Soit.

Le temps de prévenir les personnes nécessaires et d’investir dans un sachet de M&M’s locaux dégueulasses, que je ne proposais évidemment pas à cette traîtresse de bas étage, nous reprenions la route et nous retrouvâmes arrêtées à la frontière bulgaro-grecque par deux hommes en costume, qui s’exprimaient en hébreu. « Moi qui pensais que l’Europe était une vraie passoire » protesta Pascale avant de couper le contact.

ABENTSOUR : ניירות, בבקשה
PASCALE : Bonjour messieurs, mais depuis quand on parle hébreu en Bulgarie haha !
ABENTSOUR (à Davidna) : ? זו היא
DAVIDNA : כן, גנרל אבנטסור
PASCALE : Ah mais vous parlez hébreu Davidna ?
DAVIDNA : Bah oui.
PASCALE : C’est marrant, parce que vos amis moldaves m’ont raconté que vous faisiez partie du Mossad, les blagueurs !
DAVIDNA : הכניס אותה לטריילר למחצה ורץ.
ABENTSOUR : כאן הזקנה!
PASCALE : Attendez, mais qu’est-ce que vous faites vous …
Arrêtez je dis, non mais qu’est-ce que vous faites, je suis députée de la République Française, alors je m’en remettrai au Président … Mais qu’est-ce que mais … NON ! AU SECOOOOOURS !
A : Papiers s’il vous plaît.


A : C’est elle?
D :Oui général Abentsour.



D : Embarquez-la dans le semi-remorque et exécution.
A: Par ici, la vieille !

Heureusement que j’avais fait mes preuves au sein des services secrets israéliens, qui débarquèrent en un claquement de doigts tels de fidèles amis. Il faut dire j’avais réussi à survivre brillamment à leurs épreuves de par mon ingéniosité naturelle. Ni une ni deux, la députée se retrouva muselée dans un sac de farine, et enfermée dans le poids lourd, précieusement gardée par le colonel Avraham, tandis qu’Abentsour montait à mes côtés à l’avant, histoire de sécuriser au mieux les lieux. De nouveau la coiffe indienne sur le ciboulot, demi-tour, et direction la Macédoine du Nord, où j’abandonnais le colis dans le lac de Tikvech, qui avait réussi à défaire ses liens et à me prendre par surprise. En gestionnaire de bonne mère de famille (les D-Angels n’en diraient pas moins, ah qu’ils me manquent mes amours), je répondais à ses attaques fort athlétiques et eus à peine besoin de l’aide du général Shaked Aventsour et de son collègue Roei-Shitrit Avraham pour la balancer à la flotte.

Sauf que …

Ma coiffe ! Ma coiffe ! Rends-moi ma coiffe bip-bip !

Pas même besoin de tremper l’orteil, Roei-Shitrit se jeta à l’eau pour récupérer ma précieuse tout en assommant la Fontenel, qui eus le temps de pioncer quelques minutes en surnageant sur les eaux telle Moïse, avant d’être sauvée par un chasseur qui l’emmena aux autorités nord-macédoniennes qui l’inculpèrent pour non-respect du confinement et la renvoyèrent au pays à bord d’une Renault 5 appartenant à la fort peu accommodante police locale, ce qui suscita quelques tensions diplomatiques entre les deux gouvernements, d’autant plus que l’ambassade n’a jamais été mise au courant. Déjà que la Macédoine du Nord s’était vue refuser l’ouverture des négociations pour l’adhésion à l’Union Européenne par veto de la France …

Tandis que je raccompagnais mes gars à l’Aéroport International de Skopje, coiffe trempée mais toujours indienne sur mes cheveux plus étincelants que ceux de Dalida – il faut dire que plus étincelante que moi, tu meurs, haha ! – destination le siège des services à Tel-Aviv, je saisis l’occasion parfaite d’aller faire un petit coucou à ma grande amie Kaliopi !

Kaliopi vivait dans les beaux quartiers de Skopje, son toit-terrasse surplombant au loin le marché ottoman, un véritable bijou dont je tirais nombre de mes parures âprement négociées au prix de cette voix que voulait donner Nayah. Qu’était donc Davidna sans sa couronne de perles tombant sur le front telles des mèches de cheveux, moi la redoutable qui aspirais tant à être plus élégante que mon élégance naturelle ? Le tout est qu’autour d’un café turc, la grande dame s’enquiert chaleureusement de mes nouvelles, d’autant plus que je venais de vivre un traumatisme inaltérable qui la faisait rugir, scandalisée à l’extrême, poussant parfois d’impromptus Crno i belo e seeeee qui me faisaient sursauter jusqu’à la tasse, alors que prendre des siennes ne m’intéressait guère. Je savais pertinemment que tout allait pour le mieux dans le meilleur de ses mondes et qu’elle prenait une joie folle à s’en gargariser sous mes yeux. Et oui, derrière son air généreux et authentique, cette posture de Dame rendue naturelle par un ingénieux jeu d’actrice digne de l’Oscar, Kaliopi n’était au fond d’elle qu’arrogance et mépris derrière les nombreuses oeuvres de charité qu’elle soutenait aux yeux du grand et pouilleux public nord-macédonien qui n’a toujours pas dirigé la partition avec la Grèce à l’époque d’Alexandre le Grand (je vous rappelle que je suis spirituellement historienne de formation). Bien joli de faire la sainte-nitouche et de se faire mousser au profit de sa popularité, il n’en est pas moins que le procédé demeure à mes yeux inacceptable.

Contrairement à certaines, je ne suis pas de celles et ceux qui disent blanc pour mieux dire noir le lendemain ou encore gris le surlendemain, après avoir entre-temps dit jaune, ou mieux encore, en rouge et noir, histoire d’exiler une peur inexistante et d’aller plus haut que des montagnes de douleur qui n’ont de sens que pour mes pèquenauds de fans qui se scarifieraient pour une seule palpation de ma part ou encore un piètre autographe, morte couille. Moi, Madame Kaliopi, je suis pas comme vous, à faire la faux-cul, je suis droite et fière, portée uniquement par les valeurs et les convictions qui sont les miennes, affirmant les choses haut et fort comme ce qu’elles sont, et ce de manière invariable, car oui si ce mug est jaune à mes yeux, il le sera aux vôtres, foie de Davidna, et qu’importe si vous n’êtes pas d’accord, c’est ainsi et puis c’est tout. À quoi rime donc ce jeu de dupes auquel me elle soumettait, elle qui avait intercédé de nombreuses fois en ma faveur auprès de la MRT – pas moins de huit fois depuis que je la connaissais – afin qu’ils fassent de mois la représentante de l’ancienne république yougoslave au concours (années où elle fut candidate exceptées, comme par hasard) sans que cela n’aboutisse jamais (comme par hasard, à coup sûr qu’elle avait démonté ma candidature au siphon de cuisine). Elle qui m’avait de si nombreuses fois invitée à faire ses premières parties dans les Balkans avec succès, puisque j’étais devenue une star là-bas, enregistrant des titres et même un album dans leurs langues nationales que je prononçais en phonétique, elle qui parlait de moi par monts et par vaux dans les médias, elle faisait montre d’une insincérité qui me retournait l’estomac.

Oui, elle contribuait à sa manière à ce rêve qui était impossible selon bien des envieux, mais à quel prix ? Celui de m’envoyer en pleine tronche sa violence symbolique, évoquant évidemment les sujets qui m’étaient fâcheux pour sa jouissance personnelle, la voyant jubiler derrière cette main faussement pieuse qui se posait sur la mienne et ce regard de pitié indigne de l’Actor’s Studio kosovar. Elle ne se fit d’ailleurs pas prier pour m’envoyer le bash du siècle :

Davidna, ma chérie, ne désespère surtout pas. Aie confiance en toi, garde à l’esprit ton talent inimitable, et arrête d’écouter les jaloux qui ont de la merde dans les oreilles. Dans la vie, il faut toujours s’obstiner, s’obstiner et s’obstiner pour atteindre ces buts, et plus que jamais je te sens proche de saisir ton rêve à pleines mains. Courage ma fille ! D’ailleurs regarde (elle lui tend un poster) Tamara m’a donné un poster dédidacé rien que pour toi ! C’est une grande fan ! (elle se met à chanter) Just because I’m proud, I’m proud, I’m proooooooud !
– Merci Kalio …

Faux-cul.

– Je suppose que tu as lu les avis du Conseil de Classe de l’EAQ …
– Pas les derniers, non.
– C’est une sage décision, pour une fois que tu es sage. Parfois, il vaut mieux s’épargner certains coups de canifs, car juste une question de survie.

Elle m’intriguait tout à coup. Maintenant qu’elle en parlait ..

Elle n’eut pas même le temps de me retenir, que je m’exécutais. C’est alors que le Ciel me tomba sur la tête.

Pauly W. : 2

À l’Eurovision, l’on distingue cinq types de chansons : les excellentes, les bonnes, les passables, les médiocres et Love In The Tropico. En 22 années de Concours, rarement aurais-je entendu proposition aussi mauvaise et pathétique. Tout dans ces trois minutes écorche et ensanglante les tympans. À tenir absolument éloigné de notre belle compétition musicale. Seule consolation : Marcel Bezençon n’aura point entendu cet affront fait à sa création.

Marie : -92 (valeur 0)

Mais qui a eu l’idée de nous faire écouter cette horreur !!! Et encore je suis gentille, mes oreilles ont saigné pendant trois minutes et j’ai dû me précipiter chez l’ORL. Je suis bonne pour un arrêt de travail de quinze jours à cause du traumatisme que j’ai subi. Davidna, chanteuse mais vous voulez rire ! Sa voix et sa chanson ne sont même pas au niveau de la fête du village de Trifouillis-les-Oies. Je préfère écouter le bruit de la craie sur une ardoise pendant une heure que cette chose cauchemardesque. Je vais lui mettre un -92 sur 10. Pourquoi ? Parce-que c’est la température la plus froide constatée sur Terre donc si c’était possible de congeler Davidna et Love in The Tropico, ce serait un bienfait pour notre planète.

=> À noter que la note de Marie est un record historique par le bas jamais encore obtenu par un participant au Conseil de Classe.

Rem_Coconuts : 1

À écouter une immondice pareille au-delà de trente secondes (et encore je suis aimable), mieux vaut mourir étouffé en mangeant un chausson aux pommes couvert d’Ébola que vivre pour subir ce supplice. Plus qu’une honte, c’est un véritable viol musical auquel s’adonne cette amatrice de bas étage indigne même des tréfonds des tréfonds d’une sélection biélorusse parasitée par des casseroles aux cordes vocales cramées à l’acide sulfurique. De quoi préférer largement les vertus de la haine et de la violence à celles de l’amour sous les tropiques. Massacre à la tronçonneuse ? Pire : Davidna L.

Pascal C. : 2

Le morceau le plus indigent que j’ai écouté jusqu’à présent. Mes oreilles en saignent… Encore pire que les auditions biélorusses et moldaves ou le rap de Jenni B. c’est dire… Même au quinzième degré le titre de Davidna est inécoutable…A reléguer aux oubliettes de toute urgence !

André C. : 1

Comme je l’ai déjà dit, Love in the Tropico en 2020, elle est sérieuse ? Jamais je n’ai entendu une telle niaiserie. Soit disant une ode à Dalida, c’est plutôt une injure ! Des paroles sans queue ni tête, une production inexistante et une interprète à la limite de la cacophonie ! Même la télévision san-marinaise préférerait se retirer du Concours plutôt que d’envoyer ça ! Je dirais même plus : Ce n’est même pas digne de la sélection biélorusse… c’est dire le niveau ! Très bonne chanson à utiliser pour pratiquer la torture !

Kris : 0,5

Davidna L. fait subir à la chanson, ce que les Anges de la Téléréalité font subir à la langue française. Love In The Tropico est une proposition bon marché pour artiste en mousse. Je conseille à Davidna de s’inscrire à Miss Cavaillon plutôt qu’à l’Eurovision. Quand c’est trop c’est tropico !

Francis A. : 0,5

Une catastrophe que cette contribution où rien n’appelle à l’indulgence. Une musique créée par des sourds enfermés au fond d’un puits de mine sans eau ni lumière lors de l’effondrement général des boyaux, sur un texte que même Jean-Michel Bériat ou Charles Level auraient renié en leur temps malgré la promesse d’une victoire, et tout cela chanté… que dis-je, chanté… hurlé, couiné par la plus mauvaise interprète de tous les temps, à la voix de crécelle, engoncée dans une tenue grotesque visiblement dessinée par un styliste serbe recalé par toutes les écoles de son pays. Non, trop c’est trop. La Convention de Genève interdit formellement la torture, préservons donc nos oreilles et celles de nos enfants d’une telle calamité sonore, et encore, je ne parle même pas de l’artificialité et de la vulgarité de cette proposition.

Moyenne : 1/10

Mon sang ne fit qu’un tour, moi la Déesse qui continuait d’enfanter toute une génération d’eurofans et d’eurostars avec le poids gargantuesque qui était le mien. Le café fit également un tour sur la tête de la diva nord-macédonienne qui, tentant de m’empêcher de commettre l’irréparable, passa par-dessus le balcon, où elle fut malhreuseuement recueillie par la toile tendue qui protégeait de la chaleur caniculaire du mois de mai (vingt-deux degrés celsisus) un pauvre vendeur séculaire de tatanes en cuir à la sauvette, qui vit son stand exploser en mille morceaux à l’atterrissage de la star. Je la quittis alors, lui dérobant 46 288,75 denars en espèces (750 euros) ainsi qu’une fourrure de vison (parce qu’il y en a partout des bisons là-bas, au bord de la Mer Noire – parce que je suis aussi une géographe de renom), une perruque noire et le passeport, toujours utile pour traverser les frontières dans l’anonymat de mon nom et éviter l’affolement des foules ébahies par ma splendeur. Tout en gobant les maigres restes de tavtché gravtché, j’embarquais dans le semi-remorque, clope au bec, lunettes de rangers, chemise de camionneuse, perruque et maquillage à la Kaliopi, coiffe indienne, et insigne de flic fournie par Rachel Mordékhaï, représentante locale du Mossad, car trente heures de route confinée s’annonçaient.

Malencontreusement, je rallongeais la route d’un détour imprévu par Triesen au Liechtenstein (même pas Vaduz, quitte à se trouver dans un trou, autant frapper fort), durant lequel je n’eus d’autre choix que me trouver une activité singulière pour ne pas mourir d’ennui. Déjà que j’avais manqué de clamser dans une prison moldave … Passons sur les mauvais souvenirs, ça me déprime – je vous rappelle que je suis la lumière, plus irradiante que l’uranium des centrales nucléaires – et quoi de mieux pour me rendre encore plus parfaite que je ne le suis déjà que de préparer le terrain de jeu qui allait s’offrir à moi en prenant un rendez-vous virtuel avec une morpho-psychologue de renom visiblement basée dans ce département agricole répondant au nom de Davidna traduit en français, mais avec un « d » en remplacement du « b » : pourquoi avoir commis une erreur de baptême aussi intolérable ?

Du haut de son fort, Mary-Eloïsha – c’est ainsi qu’elle se faisait appeler par souci d’anonymat – se montra surprise de me trouver enfermée dans l’obscurité et la clôture du semi-remorque de la députée Fontenel. J’avais pourtant démarré mon appel sur la place du village, mais cela ne plut pas aux habitants qui, en guise de remerciement à l’égard de la première touriste qu’ils voyaient de leur histoire pluri-séculaire dans ce bled paumé au fin fond des Alpes suisses, me jetèrent des bouteilles de bière vides et bien aiguisées au niveau des tessons dès lors que je commençais à entonner au ukulélé un hymne en leur honneur intitulé Liechstenstein, vagina dergeburt einer ikone (Liechstenstein, vagin de la naissance d’une icône – à savoir moi-même). J’aurais votre peau, moi Davidna, plus multinationale que toutes les entreprises de Donald Trump réunies !

Alors qu’elle faisait son analyse minutieuse et intérieure de mes traits au millimètre près afin de me prédire les grandes lignes de vie, je constatais amèrement que celle qui se faisait également surnommer Emmy ne m’avait pas reconnue, alors même que ma grande influence sans cesse grandissante dans le petit monde des eurofans aurait dû être pour elle une évidence. Sauf que moi, je l’avais reconnue depuis bien longtemps, puisque cette prise de rendez-vous avec elle était tout sauf un hasard.

Vous même la connaissez bien, car derrière Mary-Eloïsha se cache Marie, la pire de toutes parmi la clique de l’EAQ (après André, bien sûr), ce site que j’abhorrais tant et tant, et envers lequel j’entamais d’ores et déjà ma placide vengeance suite à leur insipide tentative d’assassinat à mon égard. Un tel manque de discernement que celui du conseil de classe me faisait hurler de rire à travers les montagnes dans lesquelles je me défoulais à dos de cheval estropié « emprunté » à un fermier (la bête ne survécut pas à son ultime galop fort énergique de mes pieds et de mon coccyx, RIP Jolly Jumper bien moche à l’égard de ta principauté de résidence qui ne daignait même pas m’offrir ces applause pour lesquels Gaga et moi vivons). À défaut de parler de moi dans leurs avis disons-le poliment tranchants, je constatais non sans coquinerie qu’ils parlaient en réalité d’eux-mêmes. « Mauvais », « Pathétique », « Sanglant », « Horreur pareille », « Immondice », « Massacre à la tronçonneuse » et je vous passe le pire : tout leur portrait craché. Près de vingt heures de trajet durant, je m’étais juré d’avoir leur peau, et mon travail de sape commençait dès à présent.

Une heure trente après, tandis que j’attendais le résultat de ses observations, je préparais une paella de mariscos surgelés particulièrement épicée de mes fureurs dans la grange du fermier que j’avais pris en otage en le laissant bien macérer dans sa cuve de vinasse après lui avoir asséné un coup de bouteille de Die Hofkellerei des Fürsten von Liechtenstein (ne vous inquiétez pas, le paysan a survécu, proche du coma éthylique, mais aussi vivant que Johnny après la miraculeuse résurrection post-Dr. Delajoux), chantonnant cette honteuse foire à la saucisse qu’est la venda (mais pourquoi diable faire une chanson autour du commerce en libre-service ?). C’était tellement à l’image eurovisionesque de cette pauvre Espagne à qui je manquais terriblement pour la relever. Sauf que comme vous savez que le social ne m’intéresse que fort peu, je dus opposer une fin de non-recevoir à mon amie Pastora Soler qui, depuis, s’est reconvertie en bergère, ah sombre destinée. Algo pequeñito, ah ça pour sûr que, telle la saucisse n’était pas généreuse (tout dépendait laquelle), à tel point que seule la présence de ce cher Miki parvenait à sauver ce pays décidément abonné à bien des déconvenues. Croyez-moi que le jour où ils aligneront le pognon, c’est la victoire que je leur ramènerai, la tête haute, brandissant mon trophée comme ces philosophes de grecs antiques brandissaient des phallus dans leurs manifestations, filant droit devant sur le tapis rouge qui me mènerait sur la scène de Palau Sant Jordi de Barcelone (il faut bien donner de quoi se satisfaire à la Catalogne).

– Mmmmh, Generosa (j’avais donné un nom d’emprunt histoire de ne pas me faire démasquer, déjà qu’elle avait probablement dû voir ma gueule affichée partout en France et en Navarre), Generosa (répétition) … Ah Generosa !

Bon t’accouches ou quoi ? J’ai une paella sur le feu !

– Ah Generosa, mais quel destin, mais quel destin, oh p**ain con ! Mais quel fabuleux destin ! Votre visage porte avec hardiesse les marques de votre trajectoire fulgurante et enviée de la Terre entière ! Vous sentez le talent, attendez laissez moi renifler à travers l’écran, oh oui ! Votre odeur est celle de la victoire Generosa ! Et pourtant quelque chose me dit qu’elle tarde à venir cette victoire, oui, elle tarde du fait des vicissitudes qui sont les vôtres, parce que, ah oui, vous n’êtes pas doté d’un caractère facile, oh oh oh ! (…)

My Life is a f***ing jungle.

– (…) Vous êtes une sanguine vous, et quelque chose dans votre air si profond me laissent dire que vous vous apprêtez à explorer votre côté sanguinaire dans les prochaines heures, mmmh, dommage que je ne puisse pas procéder à une inspection tactile de vos traits, ils m’en diraient davantage, mais vous êtes une bavarde vous, il faut dire que vous êtes bien incapable de garder un secret, hormis .. Vous êtes une obsédée sexuelle ?. (…)

Tout se lit tellement sur votre face si lisse et si naturelle, vos certitudes, vos immodesties, votre orgueil démesuré, votre génie innommable, tout je vous dis, tout, y compris vos frustrations les plus profondes, et à vrai dire Generosa, il vaudrait mieux que vous les évacuiez au plus vite afin d’atteindre au mieux ces objectifs de vie qui vous tendent les bras, et quelque chose dans vos rides frontales en voie de creusement inaltérable me dit que l’expulsion de vos rancoeurs ne saurait tarder, pour mieux survenir plus vite que vous ne le pensez, et surtout que je ne le pense moi.

Sans dec.

– D’ailleurs quelque chose me taraude, votre visage me dit quelque chose …
– Tu parles Charles, je suis Davidna Lamburosco !
– DAVIDNA
!
– Et je suis ici pour provoquer votre ruine, Marie, ainsi que celle de votre site.

Elle fut stupéfaite. C’est alors que deux personnes masquées et cagoulées surgirent derrière elle. להתראות מארי

14 heures. Après sept heures de route à fond la caisse, durant lesquelles je pris quelques aises avec de rares autostoppeurs (.seuses en écriture inclusive) présents qui m’offrirent un moment de détente et de légèreté, avec mon implication en heureux retour (paraît-il que mes avis sur Bla Bla Car sont particulièrement dithyrambiques), je fis mon entrée triomphale dans la Washington d’Europe, j’appelle Mademoiselle (on dit Madame !) Bruxelles, ou plutôt ne serait-ce pas à elle de m’appeler vu mon incroyable côte dans ce pays ?

La Belgique … Bien que je la chérisse du plus profond de mon coeur pour ses moules et ses frites, et surtout la popularité qu’elle m’offre, elle est l’un des rares pays à me laisser perplexe, tant pour avoir enfanté de de petits bonhommes bleus recouverts d’un d’un bonnet que pour leurs choix eurovisionesques singuliers, à l’image de leur goût pour cet humour débridé qui ne fait rire qu’eux, et encore. J’ai beau essayer de me souvenir, jamais le plat pays ne me fit rire au concours, alors même que mon originalité extrême et radicale aurait dû les séduire. Moi qui donne le goût de la vie à ce public auquel j’offre un tendre dédain pour la gloire et le pognon qu’ils m’apportent, j’aurais dû représenter mes voisins au concours depuis des siècles. Je leur avais pondu un numéro adapté à leurs coutumes locales, encore plus déroutant qu’un spectacle d’Yvette Leglaire, mais que tchi. À coup sûr que ce n’était qu’à cause d’un seul et même individu : Pauly W. alias Pauly Wissowa.

Arrivée rue de l’Association, je garais mon véhicule et emportais ma paella de mariscos. Marie m’attendait, entourée de deux collègues du siège français, que je laissais disposer instamment. Elle fit un signe de la tête, « c’est par là ». De longues et éprouvantes minutes de marche me firent penser qu’elle s’apprêtait à me faire liquider par la Sécurité de l’État, bien que je savais qu’Israël n’était jamais très loin, jusqu’à notre arrivée devant la Tour des finances.

– Il est où ?
– Ministère des affaires sociales et de la santé, de l’asile et des migrations.
– La santé ou l’asile ? Il faut savoir, parce que je n’ai pas envie de finir en HP, Marie.
– Les deux, Davidna, ils sont réunis ici.
– C’est absurde, bref, quel étage ?

– Quinzième étage, de toutes façons, demandez à l’accueil, ils ont un annuaire, et puis moi pendant ce temps je vais aller boire un café …
– Je crois que je ne vais pas vous laisser le choix darling …
– Mais les cafés sont fermés …
– Et que vous allez venir avec moi.
– Mais les ministères sont fermés, Davidna.
– Fermés ? C’est absurde.
(Je secouais la porte vivement) (au vigile) Vous ! Police ! Ouvrez la porte ! (à Marie) Et vous ne restez pas les bras ballants ! Tiens, prenez la paella.

Les agents de sécurité firent de la résistance, mais neutraliser d’un coup de taser le premier suffit au second à m’accueillir avec moult distinction à la vue de mon insigne officielle. Direction l’accueil.

– N’oubliez pas Marie que c’est vous qui parlerez, car je ne suis qu’une surprise.
– Bonjour Mesdames, que puis-je pour vous ?
– Bonjour Madame, Pauly Wissowa, du MASSAM, je vous prie, de la part de Marie XXX (anonymat oblige).

Bureau B15-140. On toquait à la porte. Marie entra sur l’invitation de Pauly, assis à son bureau jonché de piles de dossier plus hautes que lui-même debout.

– Bonjour Pauly !
– Marie !!! Mais quelle heureuse surprise !! Je ne savais pas que tu étais confinée dans notre si déroutante Belgique !!
– Moi non plus, enfin c’est une longue histoire, j’arrive à peine de Narbonne …
– Narbonne ? Mais comment as-tu pu franchir les frontières de la sorte ?
– Disons que … Enfin je suis venue accompagner d’une invitée très officielle du concours qui tenais à te rencontrer …

– C’est une nouvelle fort heureuse ! Où est-elle ?

Je fis mon entrée.

Bonjour Pauly.
– (Marie à voix basse) Je ne voulais pas, je te jure, c’est elle qui m’a forcée !
Nous nous connaissons … ?
– Mmmh, je crois oui, Davidna Lamburosco, enchantée.
(Marie à voix basse) Pauly, appelle les flics, c’est une folle dangereuse !
– Da-vid-naaaaaa ! Mais quelle heureuse surprise !!! Depuis le temps que notre plat pays attendait votre visite ! Bienvenue à Bruxelles !!

Les belges ont toujours l’art de se payer votre tête.

– Je pose la paella où ?

Marie invitée à sortir et à donner le signal forcé à mes collègues, je me retrouvais enfin en tête-à-tête avec cet individu que mes activités pour le Mossad m’avaient permis de suivre depuis déjà de longues années, l’acharnement démesuré dont il s’amusa à mon égard n’ayant fait qu’accélérer les choses. Heureux destin que de le rencontrais enfin aujourd’hui pour prononcer la fin de l’aventure de ce site anonyme dont je dois pourtant reconnaître l’incompréhensible audience chez les eurofans. Il y a de plus en plus de claques qui se perdent décidément … Mon bonheur était hélas teinté de mauvaise fortune, mon interlocuteur n’ayant de cesse de me présenter ses déplacés hommages alors même qu’il prenait un vorace plaisir à m’humilier au quotidien dans les chroniques que ses « camarades » et lui déployaient pour mieux massacrer mon honneur.

Sauf que, moi, Davidna n’ai jamais cru le moindre mot de leurs sottises aigües teintes d’une autosatisfaction manifeste qui aurait presque pu me faire pitié si j’eus été trop amicale. C’eut été vrai que la violence aurait pu être pire, mais, moi, Davidna, je ne pouvais laisser passer un tel tissu de mensonges face aux trésors de reconnaissance dont je faisais l’objet du monde entier à côté de cette mascarade appelée conseil de classe, dont l’unique but était de monter la tête de l’Europe entière afin qu’ils m’empêchent de vivre mon rêve et de participer au concours. Quel intérêt y avaient-ils ? Probablement l’argent, bien évidemment, pourquoi croyez-vous ainsi que la moitié de la rédaction et de son lectorat ait pour résidence la Belgique et la Suisse ? Me croyez-vous si sotte pour ne pas y voir leurs tropiques fiscales, à la différence près qu’elles sont dénuées d’amour, contrairement aux miennes ? Et merde ! J’ai oublié d’intercepter André dans l’histoire ! Ah mais si en fait, puisqu’il avait reçu le pangolin que je lui avais fait envoyer du Gabon …

– Mmmmh votre paella est aussi épicée que vous, Davidna, vous êtes sûre que vous n’en voulez pas ?
– Pauly, vous vous rappelez ce que vous avez dit de
Love in the Tropico ?
– Davidna ! Mais c’est un chef d’oeuvre ! Un chef d’oeuvre !
– Vous vous payez ma gueule là ?
– Mais pas du tout ! J’en ai même parlé au Conseil de classe de l’EAQ dans notre dernière vidéo You Tube !

Et il osa me la faire écouter, appuyant avec dextérité sur le bouton play, et resta assis à me contempler, droit et tout sourire, comme fier.

Je vous passe ses horreurs verbales, mais voici ma réaction en images :

Moralité : il se foutait bel et bien de ma gueule.

– Vous voyez Davidna, nous avons apprécié le titre à la rédaction !

C’en était trop. Je devais réagir.

***

INTERRUPTION DU PROGRAMME

TEASER

Vous avez eu successivement le tractopelle (et même deux fois), le motoculteur, le caïman, le semi-remorque, la Twingo sans le frein à mains, la carabine, la tentative de noyade, le canard laqué congelé, le sanglier, Lolita Zero, les macédoniennes et nous en passons et des meilleures, mais avec quel subterfuge Davidna s’en sortira t-elle cette fois (ou pas) ? Réponse tout de suite !

***

Je disais donc : c’en était trop. Je devais réagir. C’est ainsi que je sortis l’arme fatale.

D’un coup de cuillère de cuisine en bois (indispensable pour les pâtes al dente, foie de mon père), je retournais la partie creuse vers Pauly Wissowa pour mieux le menacer. Surpris, ce dernier sursauta et opéra un recul soudain vers le fond de son dossier tout en plaquant les mains sur son bureau qui, d’un sursaut, fit s’effondrer tous les dossiers dont il venait à peine d’achever le classement en profitant du confinement. Peine perdue, mais l’adage est bien connu de ma part : ranger et classer ses dossiers en jouissant de la saveur d’un café adroitement tiré à la cafetière du bureau voisin avec une capsule dont le moindre collègue jalouse votre bas prix, le bon fonctionnaire n’a que ça à foutre.

Bref, je le menaçais de cette foutue cuillère en bois et sentais son abdication proche.

– Vous êtes sûre que vous ne voulez pas un petit café Davidna … ?
– La ferme !
– Ne réagissez pas comme ça voyons, ce n’est qu’un avis subjectif !
– La ferme j’ai dit ! La bourse ou la vie ?
– Je vous demande pardon ?
– Le fric ! Je veux le fric !
– Mais Davidna, nous ne sommes pas au Ministère des Finances, d’ailleurs je crois que nous sommes en récession.
– Vas-y efface tout !
– Tout quoi ?
– Ton site ! Ferme-le ! NOW !
– Vous plaisantez ou quoi ?
– J’ai l’air ?

Je tentais de m’emparer de son PC, mais il surgit dessus tel un lion, visiblement inspiré par Aisté Pilvelyté, et le protégea de ses bras.

Plutôt écouter Tornike Kipiani pour l’éternité !
Très bien, exécution (elle claqua des doigts)

Accompagnés d’une Marie effrayée, Moshé et Moshé arrivèrent, amenant le colis sur pattes dans le bureau de Pauly W., qui se refusait à y entrer avant d’y être poussée.

Kate ? s’étonnant Pauly, dont le regard brillait déjà.

Pénombre. Projection du moment sacré sur le tableau blanc.

– Oh non …

Pauly reconnut les notes fatales dès la première seconde.

Pitié !

En larmes, Kate Ryan commença à s’exécuter :

The sum of all my fantasies

Pauly se mit également à pleurer à chaudes larmes, à genoux les mains sur la tête.

– NOOOOON ! KATE !

Tandis qu’étaient diffusées en boucle sur l’écran les images de son élimination en demi-finale 2006 en direct de la green room athénienne pour mon plus grand bonheur, la Ryan redoublait de larmes en chantant son chef d’oeuvre pour la première fois depuis … le jeudi 18 mai 2006.

Je t’adore, And I can’t conceal it…
Marie, vous pourriez aller chercher des kleenex je vous prie ? On est à deux doigts du dégât des eaux, demandai-je, pas peu fière de mon coup, devant une Marie désespérée.

Elle n’avait pas chanté le titre depuis ce fameux et jouissif soir du mois de mai 2006, et faisait montre d’une certaine émotion à l’idée de le rechanter.

– ARRÊTEZ PITIÉÉÉÉ !

Non ? Ne me dites pas que Pauly Wissowa n’avait pas écouté Je t’adore depuis le … jeudi 18 mai 2006 ?

– Bye bye to all the lies I’ve heard

Fière de moi, j’admirais la scène, constatant qu’il n’y a parfois pas besoin de sang pour le faire couler. La symbolique est souvent plus forte que le geste, moi qui suis tant attachée à la paix des peuples et au bien-être de mes prochains.

– Je t’adore, Here’s my heart so take it …
Het is niet voorbij deze shit ja ?

Si j’avais seulement anticipé le débarquement de Maggie De Block dans le bureau de Wissowa.

Ni une, ni deux, je lui demandais expressément de sortir pendant que les deux autres chialaient l’Escaut entier, ce à quoi elle se refusa. Je lui claquais la porte vitrée au nez, elle l’explosa, le ton monta, et je n’eus d’autre choix que de sacrifier la paella, dont elle se trouva recouverte sous le regard ébahi et la bouche ouverte de tous, pendant que la musique défilait désormais sans paroles.

Je doet wat je moet doen.

D’un claquement de doigts, ils s’avancèrent vers moi.

– Mais qu’est-ce que vous faites ? Enfin, mais Moshé et Moshé … Mais lâchez-moi bordel ! C’est moi, c’est Davidna, mais arrêtez, OH MAIS LÂCHEZ MOI !
– Pour sûr que nous savons qui vous êtes Davidna Lamburosco, et pour tout vous dire, nous étions même au courant de votre venue
, déclara Pauly W. d’un calme serein.
Vous étiez au courant ? Vas-y c’est Marie qui m’a balancée !
Sauf que je savais avant même que vous ne me contactiez, Davidna, affirma Marie, tout aussi sereine.
– En fait nous savions tous, affirma Moshé-1.
Et nous connaissions exactement vos plans depuis Skopje, déclara Moshé-2.
Seule Kate n’était pas prévue au programme ... répondit Marie.
Et cela ne joue guère en votre faveur Davidna, m’annonça Pauly, avec irritation.
ONTHEEMDIIIIING ! hurla la ministre De Block, couverte de paella et de fruits de mer, un poulpe sur la tête.

C’est alors que je fus sortie du ministère par la police nationale dans un déchaînement jamais vu de ma part.

Merci Madame De Block pour votre sollicitude, déclara solennellement Pauly. Et merci chers collègues « Moshé » haha !

La soirée battait son plein dans la Davidna Résidence. Pour fêter mon retour inespéré, les D-Angels m’avaient offert une soirée digne de mes espérances. Il faut dire que je leur avais tellement fait une frayeur … Moi qui aurait arriver portée à bout de bras sur son mon trône, la teinte ceinte de ma couronne, le corps sexy et suave recouvert de feuilles d’or et installé sur un peau de panthère récemment crevée et désossée par mes soins (j’ai une certaine appétence pour le braconnage, j’en suis d’ailleurs une grande spécialiste concernant l’espèce eurovisionesque que je mate comme personne), je me retrouvais déversée telle une ordure jetée du camion benne qui m’avait ramenée de Belgique sur le gravier de mon parvis. Au terme de quarante-huit heures de garde à vue, le gouvernement belge avait prononcé mon extradition par la faute de Maggie de Block. Moi qui me sentais d’ordinaire toujours remarquable et admirable – ce que j’étais de manière inaltérable, y compris dans les situations les plus inconfortables pour le commun des mortels, je me sentais terriblement humiliée pour la première fois de ma vie, attendant juste de me faire dévorer crue et nue par des carnassiers, pendant que je cramerais sous ce soleil caniculaire de quatorze degrés matinaux, affalée telle un sac poubelle crevée sur le gravier.

Les garçons furent choqués de me retrouver quasi inerte, d’autant plus que ma coiffe indienne était à demi-déplumée. « Davidna ! Mais qu’est-ce qu’il vous est encore arrivé ! On a cru que vous étiez morte » déclara Farid, mains sur la tête. En effet, je le serai bientôt si tu continues de déblatérer au lieu de me sauver. « Oh la la la la la la la la la la la la » ajouta Rui « On a failli appeler Castaner ! » crut intelligent de me dire Markus. « On dirait une charpie » dit Anton. Épuisée telle un mammouth anémié, je m’effondrais dans les bras de mes Anges, qui eurent à coeur de redonner du baume au mien, organisant une soirée en mon honneur, tellement ma reconstruction allait être dure. Jamais je n’avais connu nuit si malheureuse et déprimante : le champagne coulait autant à flots que les chutes du Niagara, m’empiffrant de foie gras, de caviar et de macarons Lenôtre qui tombaient du Ciel par centaines, tandis que je sentais en moi les vibes d’Eleni Foureira, jusqu’à tantôt à coup de cinq bouteilles de champagne en riant aux éclats avec mes Anges, qui ne me firent jamais aussi grand honneur. Quelle tristesse que cet état de grâce.

Le lendemain, j’étais en GDB totale, HS dans mon lit mauricien. La tête in the ass (l’anglais est tellement plus élégant que le français) et dans l’oreiller, où je tentais désespérément de m’étouffer sans y parvenir. J’étais finie, et je refusais la situation. Tout cela à cause de vils personnages de foire qui me l’avaient faite à l’envers. Manquait plus que la De Block pour m’achever, et je pouvais vaincre sans trop péril tout en laissant la mémoire d’un triomphe de gloire. Jamais je n’avais été aussi mal de toute mon existence, avec ce foutu mal de crâne, triplé dès lors que je pensais à la déchéance inappropriée qui allait être la mienne dès lors que la presse publierait les infos faussement compromettantes par le biais de l’EAQ.

L’EAQ … L’EAQ … Ma ven- …

Le téléphona sonna.

– Putain ! Personne ne peut aller décrocher dans cette baraque ??

Mes D-Angels, face in the ass, dormaient profondément, à tel point que seul Vaidas se précipita dans l’escalier et me transféra la conversation.


– JOAN FRANKA A ÉTÉ ARRÊTÉE PAR INTERPOL !!! hurla Farid à travers le mégaphone dont il fut assommé par Markus.

Au moins une bonne nouvelle en ce sinistre jeudi de pré-déconfinement.

– Davidna, Dana International à l’appareil.

DANA INTERNATIONAL ?

– אתה יודע?
– אה לג’ואן?
– לא אכפת לנו ממנה, תכין את המזוודות שלך שאנחנו מחכים לך באביב כזה כי ..

Je hurlais à travers la maison en réveillant le sixième continent, et mes Anges avec.

Générique de fin

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C’est ainsi que s’achèvent les aventures de Davidna Lamburosco et le confinement de l’Eurovision Au Quotidien.

Merci à mes collègues rédactrices et rédacteurs d’avoir contribué à la rédaction de l’épisode 5 à travers leur avis du conseil de classe sur Love In The Tropico.