Le mois dernier, Mme Martineau et moi-même sommes allées en Suède, à Stjönebrickendorberg, petite bourgade au nord du pays, afin d’assister au 54ème congrès des fans de Fifi Brindacier. Je ne suis pas là pour vous dire comme s’est passé ce congrès, je sais que ça ne vous intéressera pas. Vous, vous ne pensez qu’à l’Eurovision et son déluge d’artistes folkloriques.

Alors laissez-moi vous raconter une petite anecdote. Après un congrès où nous n’avons rien compris car personne n’avait fait l’effort de parler notre belle langue qu’est le français, et après un repas dans un restaurant qui nous a coûté la peau des fesses, nous sommes retournées à notre hôtel afin de tenter tant bien que mal de digérer notre salade de harengs et nos galettes de pommes de terre devant un divertissement télévisé.

C’était peine perdue pour Mme Martineau qui laissa un joli souvenir aux canalisations de la petite ville suédoise.

Et pendant que Mme Martineau rendait ses harengs à la nature souterraine, je me branchais sur la quatrième chaîne où se déroulait « Så mycket bättre ». Pour ceux qui ne connaissent pas, il s’agit d’une télé réalité, pas du genre débile avec des bimbos aux grosses poitrines qui croient que Mussolini est un grand romancier français de notre époque. Non, là il s’agit d’artistes qui se réunissent et qui interprètent les chansons des autres convives, mais à leur sauce.

Lorsque Mme Martineau revint délestée de son repas du soir, je pointais le doigt vers la télé et lui demandais : « Dites Suzanne, ça ne serait pas Kikki Danielsson couchée sur ce canapé ? »

Mme Martineau poussa un grand « ouuuuuiiiii, Kikkiiiiii, je me souviens » avant de s’asseoir. Elle regarda de plus près l’artiste. « Elle n’a plus la choucroute qu’elle avait sur la tête en 1985. Ses cheveux sont retombés ! »

« Pas que ses cheveux », rétorquai-je méchamment en partant d’un grand rire.

Nous nous remémorâmes alors la cérémonie du Concours Eurovision 1985. Qu’elle était longue cette émission ! Traumatisés par la courte durée du Concours 1984 à Luxembourg, les Suédois avaient cru bon de tenir l’antenne une demi-heure de plus avec le même nombre de candidats.

Je m’en souviens encore maintenant, j’avais chronométré le temps entre chaque chanson : une minute et quinze secondes en moyenne ! On pouvait refaire entièrement le décor pendant ce temps.

Devant la longueur du show, Mme Martineau et moi-même avions pris nos aiguilles à tricoter et avions réussi à finir un pull et une écharpe avant la proclamation des résultats !

Nous avions bien aimé la prestation de Kikki. Certes, son talent est bien loin d’égaler celle de Mademoiselle Mireille Mathieu, de par sa voix et son look, mais elle avait ce petit côté malicieux dans les yeux que nous avions tout de suite remarqué.

Devant notre poste de télévision suédois, pendant que Kikki bredouillait du suédois, nous évoquâmes quelques chansons de 1985. Celle de notre chère France. Un type genre « gendre parfait » dont plus personne ne se rappelle le nom (sauf vous qui me lisez, mais vous n’êtes pas comme tout le monde) et qui chantait « Femmes dans ses rêves aussi ». Je me souviens avoir tourné un regard vers Mme Martineau pour lui chuchoter : « La victoire… dans ses rêves aussi ! » avant de partir d’un grand rire. Il est vrai que ce chanteur n’arrivait pas à la cheville d’un Alain Barriere ou d’un Guy Mardel. Saviez-vous que la chanson qu’Alain avait chantée en 1963 m’était destinée ? Mais bon… ceci est une autre histoire.

Revenons au Concours de 1985. Je me souvins qu’un an après avoir ruiné la CLT avec l’organisation d’un Concours qui n’a duré que deux heures et quart, le Luxembourg n’était toujours pas prêt à vouloir gagner de nouveau. Ils avaient choisi un groupe de six artistes et n’avaient pas jugé utile de leur donner un nom commun. On s’était retrouvé alors avec le nom de « groupe » le plus long de toute l’histoire de l’Eurovision. De plus, les Luxembourgeois nous avaient carrément embrouillés avec des voix en canon, des paroles en allemand, en français, deux ou trois mots en anglais… c’était une jolie cacophonie. Un autre souvenir – embarrassant celui-là – me vint en mémoire : j’avais voulu acheter le 45 tours (pour les bébés qui nous lisent c’est l’ancêtre du mp3) chez mon disquaire. Je lui ai demandé s’il avait en stock le disque d’Ireen-Sheer-Franck-Olivier-Malcolm-Roberts-Diane-Solomon-Christopher-Saint-Margo-Verdoorn. Mais avant d’avoir terminé, mon disquaire était déjà en train de servir une autre personne ! En tout cas, ce fut la seule fois de ma vie où j’ai vu un chanteur claquer des doigts avec des gants.

Encore un autre souvenir : Mme Martineau qui s’était endormie sur son tricot pendant la chanson belge. Elle avait pour titre « Laisse-moi partir maintenant ». Pourtant, personne ne la retenait, cette charmante chanteuse !

Et qui ne se souvient pas de cette présentatrice qui avait cru bon de montrer ses jambes à toute l’Europe avant les votes sous prétexte d’une blague ! Non mais dans quel monde vivions-nous déjà à l’époque ! Et dire que vingt ans plus tôt, la RTF avait viré Noële Noblecourt parce qu’elle avait montré ses genoux devant les caméras. C’était la belle époque du puritanisme, l’époque où on ne pouvait pas faire tout et n’importe quoi !

Qui avait gagné l’Eurovision en 1985 ? Je ne m’en souvenais plus. Je me suis tournée vers Mme Martineau pour lui poser la question.  Elle a haussé les épaules et m’a répondu : « Les pays de l’Est n’étaient pas encore là. Ça devait donc être un pays nordique, sûrement ! »

Nous avons arrêté notre voyage dans le temps au moment où sur la quatrième chaine le joli garçon, celui qui avait cassé une cage de verre en chantant qu’il voulait être populaire, est apparu à l’écran.

Le bad boy semblait s’être assagi depuis sa prestation à Dusseldorf où il avait presque failli perdre son pantalon parce que ses bretelles n’étaient pas attachées.

Et soudain, le joli chanteur a interprété la chanson de Kikki à sa sauce. Mme Martineau et moi-même sommes alors tombées sous le charme de ce petit prince suédois. Nous nous sommes levées et avons dansé toutes les deux dans notre chambre d’hôtel comme deux petites filles devant un concert de Richard Anthony.

Je voulais partager avec vous – parce que je ne suis pas si méchante que ça vous voyez – ces quatre minutes de bonheur que nous avons vécu en Suède.


« Bra Vibrationer (vill ha mer) » d’Eric Saade est disponible en single sur les plateformes de téléchargements ainsi que sur Spotify et Apple Music

Kikki Danielsson participera au prochain Melodifestivalen avec l’espoir de représenter la Suède au Concours Eurovision de Lisbonne

Mademoiselle Mireille Mathieu a sorti un album best-of : « Made In France », disponible chez Gaston le disquaire, 23 rue de Belleville à Villeneuve… et aussi en téléchargement légal, Spotify, Apple Music bla bla bla