Vous avez découvert les vingt chansons en lice de ce cinquante-huitième Festivali i Këngës. Vous avez fait connaissance avec les vingt artistes en compétition. Place à présent aux Loreen et à notre sondage rituel ! Il est plus que temps, la sélection albanaise débutant ce jeudi.

LOREEN

Confrontons nos avis sur le sujet et commençons par les Loreen, qui reflètent mon opinion personnelle et subjective en la matière. Si vous différez, exprimez-vous dans les commentaires.

Loreen est aux anges ! Rarement une édition du FiK aura été aussi prenante et passionnante. De grands noms, de très bons morceaux, trois soirées qui s’annoncent mémorables, le FiK 2019 fait rêver !

ChansonCommentairesLoreen
Arilena Ara – ShajLa reine de la ballade albanaise nous offre une leçon en la matière. Shaj est une ballade épique qui s’envole dans les cimes musicales. Arilena y déploie ce remarquable talent d’interprète qui a fait son succès jusqu’ici. L’ensemble est d’autant plus appréciable qu’il évite le classicisme poussiéreux des ballades albanaises habituelles, pour épouser les canons les plus contemporains. Dans les conditions du direct, Arilena devrait élever le tout d’un cran supplémentaire et se poser en sérieuse concurrente pour la victoire. Seul revers de cette médaille : Shaj demeure malgré tout dans les limites bien balisées des ballades à poumons et émotions.
Sara Bajraktari – AjërL’on retourne ici en terrain connu : la ballade typiquement albanaise interprétée par une jeune chanteuse prometteuse. Un classique des classiques du FiK, avec moult dashuri et un parfum assumé de nostalgie. Ajër est une belle ballade, mais enfin, un bon potage mijoté dans une vieille casserole. Sara est très bien et n’a plus à prouver son talent. Néanmoins, sa proposition n’innove en rien et ne permettrait pas, à mon sens, à l’Albanie de se renouveler. À conserver pour le FiK, donc, et rien que pour le FiK.
Aldo Bardhi – MelodiDu néo-funk au FiK ? J’aurai au moins entendu cela avant de mourir… L’on sent et l’on entend qu’Aldo admire particulièrement Bruno Mars. Son influence est indéniable dans ce plutôt rigolo Melodi. Aldo nous offre trois minutes joyeuses, dansantes et diablement rafraîchissantes. Il a le mérite d’ouvrir le FiK à de nouveaux genres musicaux et de diversifier son offre. Avec le talent qu’on lui connaît, Aldo devrait rendre son morceau encore plus appréciable dans les conditions du direct. Sur la longueur, Melodi s’avère cependant répétitif et sa partition, un peu creuse. À nouveau, cela sera parfait pour la finale du FiK. Un passage à l’Eurovision demanderait de retravailler le morceau et de mieux le polir encore.
Robert Berisha – Ajo nuk është unë Robert le Musculeux nous interprète une ballade balkanique toute romantique et fleur bleue, limite kitsch. Le contraste est assez hilarant. Plus curieux : Anëu sonne de manière identique à ces ballades qui peuplent le Dora et le Beovizija. Si ce n’était pour l’albanais, l’on se croirait en Croatie ou en Serbie… Piano, violons, chœurs languissants, crescendo, Anëu enfile les perles, sans verser dans le ridicule complet. Robert devrait rendre l’ensemble plus sérieux sur la scène du FiK. Au final, une proposition agréable, sans être révolutionnaire. De quoi passer, à nouveau, un bon moment sous le sapin en décembre. Pour mai, d’autres candidats proposent mieux.
Olta Boka – Botë për dy Olta chasse elle-aussi sur des terres connues, celles de la ballade FiKesque. Elle tente de moderniser le genre, par le biais d’une composition mêlant ancien et contemporain. Le résultat est assez déroutant, voire compliqué à suivre dans ses méandres musicaux. Quant à moi, je reste perplexe. Bpd est un bon morceau, mais qui semble hésiter entre deux options. Olta y déploie ses prouesses vocales et nous émerveillera à coup sûr en direct. Hélas, l’ensemble manque de percutant et d’accroche. Trois minutes honorables, mais longues vers la fin.
Eli Fara & Stresi – BohemQu’allaient-ils faire dans cette galère ? La plus mauvaise proposition de ce FiK 2019 à mes pauvres oreilles. Soit la collision latérale entre une chanson folk répétitive jusqu’à la scie et un morceau rap mal embouché. L’on devine l’intention initiale : acoquiner une gloire patinée de la chanson albanaise avec un jeune talent en quête de rédemption, afin de rajeunir le public de la première et de ripoliner l’image du second. Sauf que ficeler ces malheureux, talentueux par ailleurs, dans un morceau aussi catastrophique que Bohem, relève du carambolage artistique. Au bout d’une minute, l’on prend pitié d’Eli qui bredouille sans conviction un refrain schématique et l’on s’agace de Stresi, qui rappe à tout va dans l’espoir de prouver à son contrôleur judiciaire, son retour dans le droit chemin. Au final, une petite horreur sans nom…
Gena – Shqiponja e lirë Une sélection pour l’Eurovision ne serait réussie sans un plaisir coupable. Soyez donc assurés que ce FiK 2019 sera très réussi pour moi, tant Sel est un énorme plaisir coupable à mes oreilles. Du schlager albanais ethnique, une pépite à savourer en connaisseur. Cela m’évoque irrésistiblement Roger Pontare et certaines riches heures passées du Melodifestivalen. Bref, j’adore… pour de mauvaises raisons. Dans les années 2000, cette proposition aurait sans doute porté l’Albanie au pinacle du Concours. Dans les années 2010, elle lui aurait valu une belle place en finale. En 2020, je suis plus sceptique quant à ses chances de réussite. Assurément, Gena fera montre de sa flamboyance et de son professionnalisme le moment venu. Mais je ne m’y risquerais pas en mai.
Elvana Gjata – Me tanaElvana est un autre soleil. Il lui suffit d’apparaître pour éclipser le monde autour d’elle. Elle reproduit cet effet stellaire à ce FiK 2019. Il aura suffit à la RTSH de mentionner son nom pour repousser les autres candidats à l’arrière-scène, puis de dévoiler sa chanson pour repousser les malheureux jusque dans les coulisses. À croire que l’Univers gravite autour d’elle. Ce n’est pas sans raison : Elvana est une artiste de très grand talent, qui a l’immense mérite d’avoir écrit et composé elle-même sa chanson. Sur le plan vocal et scénique, elle s’imposera sans nul doute. Reste à se pencher sur Mt… qui est très bien. Une très bonne chanson, mêlant habilement tradition et modernité, authenticité et flamboyance. Elle reflète en outre les goûts du public albanais actuel, tout en étant susceptible de plaire à des ménagères irlandaises et des LGBT finlandais, le grand écart parfait. Mt est taillé pour la compétition de mai. Un atout à jouer pour l’Albanie.
Tiri Gjoci – Me gotën bosh Un artiste de premier ordre et un interprète de talent… au service d’une autre ballade si FiKesque qu’à l’écouter, l’on en deviendrait albanais. Tiri brillera dans les conditions du direct, comme à chacune de ses prestations précédentes à la sélection albanaise. Je crains hélas qu’il ne puisse tirer son épingle du jeu avec ce Mgb trop convenu et attendu. L’ensemble demeure malgré tout appréciable et d’une poésie certaine. Il ne dépareillera pas les traditions installées et plaira aux amateurs de poumons masculins. Ibidem au final : trois minutes de choix pour un FiK fidèle à lui-même. À mettre de côté pour mai.
Renis Gjoka – LojaRenis se croit encore à Halloween, alors que nous sommes déjà à Noël. Loja sonne comme l’un de ses morceaux de rock symphonique sombre taillé pour une soirée costumée horrifique au fin fond d’une catacombe en ruine. Trois minutes détonantes pour un FiK, habituellement plus enclin au rock compassé des années 80. L’ensemble est curieusement agréable à écouter et devrait enflammer le Palais des Congrès de Tirana. Renis dispose, de son côté, de l’expérience et du talent nécessaires pour nous faire ressentir intensément cette proposition. Proposition dont le principal mérite est son apport à la diversité musicale. Je doute que les jurés du FiK soient fort emballés par Loja. En cas improbable de victoire, Renis se fera remarquer à Rotterdam.
Albërije Hadërgjonaj – Ku ta gjej dikë ta dua Il est fallait une et c’est Albërije. Il en fallait une et c’est Ktgdtd. Le FiK ne serait le FiK sans le retour d’une vieille gloire de l’an 40 qui l’a remporté à une époque où la plupart d’entre nous ignorions son existence. Il ne serait pas non plus lui-même sans une ballade à poumons, décongelée telle quelle des années 90. Ces trois minutes sont donc aussi indispensables à cette édition 2019 que des guirlandes à un sapin de Noël. Ceci étant posé, force est de reconnaître que Ktgdtd (écrit ainsi, l’on jurerait un borborygme de Cthulhu) accomplit sa mission avec les honneurs. Il s’agit d’une bonne ballade, sans originalité aucune, mais qui ravira les amateurs de genre. Quant à Albërije, chapeau bas. Une légende vivante à qui tout notre respect est dû. Mais à nouveau, une proposition à consommer exclusivement en décembre, entre la bûche et le café.
Kamela Islamaj – Më ngjyros Voilà ma grande et excellente surprise de ce FiK 2019 ! J’attendais de Kamela une énième ballade FiKesque. Or elle nous offre un morceau à tiroirs pour le moins intriguant et hypnotique. Mn débute comme une ballade jazzy, avant de bifurquer vers un mid-tempo jazzy, pour finalement éclore en un trip-hop à la mode des années 90 (décidément). Le morceau reprend ensuite cette boucle en un crescendo parfait. Certains Eurofans ont songé à Neneh Cherry. J’ai songé à Portishead. De bien belles références. Kamela déploie ici sa voix envoûtante. Nul doute qu’en direct, elle nous renversera dans nos canapés. Du grand art, donc. Bémol : une approche musicale complexe, qui laissera froids bon nombre de téléspectateurs. Une option audacieuse et risquée pour l’Eurovision. À tout du moins crédible sur le plan vocal, artistique et musicale. Je suis déjà curieux de voir ce qu’en penseront les jurés.
Kanita – AnkthRetour à la case ballade, la septième si vous comptez bien. Celle-ci ne démérite pas, dans sa veine plus dramatique. Avec instrumentation appuyée et trémolos de Kanita qui se livre cœur et âme durant trois minutes. Une autre prestation qui s’annonce magistrale et mémorable. Ankth est un très bon morceau, solide, du bois dont on fait les meilleures ballades du FiK et de l’Eurovision. Malheureusement, il court dans un couloir encombré. Des goûts et des couleurs : Ankth est semblable à Shaj, mais c’est ce dernier qui m’emballe le plus. Enfin, quoi qu’il arrive samedi, Kanita ressortira grandie de ce FiK 2019. À titre personnel, je doute qu’elle en ressorte gagnante. À voir.
Bojken Lako – MalaseenQui êtes-vous ? Et qu’avez-vous fait de Bojken ? Le pilier du FiK se lance dans une curieuse expérimentation musicale, à des années-lumières de ses vieux rock poussifs et de ses ballades mitées habituelles. Le résultat est… déconcertant. Foutraque, sans queue ni tête et pourtant captivant. J’y suis entré les pieds de plomb, j’y suis resté jusqu’à la dernière note. Il se passe là quelque chose d’étrange et d’inédit à l’échelle de Bojken. Et rien que cela vaut le détour et le crédit. L’an dernier, Orgesa Zaimi avait tenté l’expérimentation pour s’y vautrer en beauté. Bojken, lui, s’en sort bien mieux. Malaseen s’avère un objet musical non identifiable. Il élargit le spectre du FiK et je lui en suis reconnaissant. Merci Bojken pour ce cadeau surprise !
Wendi Mancaku – EndeUne ballade supplémentaire s’ajoutant aux sept autres. Celle-ci est d’une qualité équivalente : un morceau solide, classique, bien construit, avec crescendo et changement de clé. La partition se veut contemporaine et renouvelle agréablement les standards habituels du FiK. Wendi, de son côté, est l’interprète idéale pour porter pareil morceau à poumons. Je me répète : dans les conditions du direct, l’impression devrait être meilleure encore. Pour le reste, tout est question de goût et d’affinité. Certains seront plus attirés par Ende, d’autres par Ankth, d’autres encore par Shaj. Chacun ses raisons, chacun son camp. Les jurés s’uniront-ils au profit de l’une d’entre elles ? Ou au contraire, se désuniront-ils au profit de Me tana ? Suspense.
Era Rusi – Eja MerreEra entreprend de marcher sur les plates-bandes d’Elvana avec ce EM de facture équivalente. Soit un morceau d’ethno-pop dont le public albanais actuel se montre fort friand. Trois minutes animées, joyeuses et dansantes, qui coloreront agréablement le FiK et le feront se rapprocher un peu plus d’une sélection eurovisionesque « normale ». Era dispose du talent, du coffre et de l’expérience nécessaires pour porter cela face caméra. Le tout fonctionnerait très bien à Rotterdam, en mai prochain, j’en suis sûr. L’on en revient aux goûts et aux couleurs : Me tana me plaît plus. Néanmoins, si Era l’emportait dimanche, je le comprendrais.
Valon Shehu – Kutia e Pandores La proposition la plus assourdissante de ce FiK 2019. Valon nous agresse les tympans avec un morceau de rock fort rude. Rendons à Pandore ce qui lui appartient : KeP est bien produit, emballé et vendu. Ce n’est point miteux, ni dépassé. Valon nous démontrera à coup sûr l’étendue de son charisme et de son talent. Reste que cette proposition ne parlera qu’aux amateurs du genre qui vénéreront son interprète. Les autres (dont je fais partie) s’enfuiront à toutes jambes et prieront le ciel que KeP ne soit pas choisie pour Rotterdam.
Genc & Nadia Tukiçi – Ju flet Tirana Le compteur des ballades tourne : nous voici à la neuvième. Qui est la moins réussie du lot. Mais qu’attendre d’autre de la part de Genc, qui s’est toujours signalé par des propositions à côté de la plaque de l’Eurovision et en retard de quelques décennies, même à l’échelle du FiK ? Ce JfT n’est pas insupportable, plutôt désuet à mourir. Cela évoque les propositions baltes à l’Eurovision dans les années 90. Et non, ce n’est pas un compliment. Genc et sa fille ont certes de belles voix. Dommage qu’ils vivent dans un autre siècle.
Devis Xherahu – Bisedoj me serenatën Et encore une ballade. La dixième, mesdames et messieurs. Hélas, Bms est du niveau de JfT. Seule différence : elle nous sort droit des années 2000. Une décennie d’avance relative. Mais toujours deux décennies de retard quant à 2020… Son titre vous dit tout : il s’agit d’une sérénade à la guitare, avec moult dashuri. L’on ferme les yeux et l’on imagine Devis sous une fenêtre de Tirana, à la tombée du jour, tentant de séduire sa bien-aimée. Les plus voyageurs d’entre vous songeront éventuellement à leurs vacances dans un Club Med des Balkans et aux soirées animées par des chanteurs locaux. Voilà le tableau. Une proposition pas affligeante en soi, mais dépassée artistiquement.
Kastro Zizo – AsajL’on attendait Kastro sur un morceau décapant et décoiffant, l’un de ceux qui ont fait les riches heures du Kenga Magjike. La déception est grande : on le retrouve à ramer sur une vieille ballade du FiK de jadis. Cela conclut ce tableau sur une triste note. Asaj, onzième et ultime ballade de notre parcours albanais, nous renvoie au Romanca de 75 Cents, pour la Croatie en 2008. Bref, déjà fait et plus à faire. Kastro disposait des ressources, de l’audace et de l’imagination nécessaires pour dynamiter le FiK. Il s’enlise ici dans une proposition décevante, dispensable et dépassée. Triste.

Quelle conclusion tirer de ces analyses ? Primo, que le FiK est en passe de réunir ses deux natures. Cette année, plus que jamais auparavant, il allie avec réussite sa nature de célébration de l’art et des traditions musicales albanaises et sa nature de sélection pour l’Eurovision. Cela devrait nous offrir de très beaux moments de chanson et de télévision pour notre Noël.

Secundo, que l’Albanie dispose de sérieux atouts pour briller à Rotterdam, en mai prochain. Comme toujours, tous les interprètes retenus sont de classe internationale. Certes : les représentants albanais au Concours n’ont jamais péché vocalement. Mais ici, certains morceaux sont dignes d’une place en finale de l’Eurovision. Un petit coup de ripolin supplémentaire et l’Albanie pourrait même prétendre à une place parmi les dix premiers.

Quant à moi, spontanément, je désignerais Kamela Islamaj et son Më ngjyros. Cette proposition me plaît beaucoup et ravit mes oreilles à chaque écoute. Néanmoins, je conçois que Kamela touchera un public plus réduit que mes deux dauphines personnelles, Arilena Ara et Elvana Gjata. Bref, l’une de ces trois drôles de dames-là comblera toutes mes attentes en la matière.

Sur un plan plus stratégique, Elvana m’apparaît tout de même comme un choix majeur. Au vu de l’engouement suscité par sa participation et par sa chanson et de l’impressionnante réserve de voix dont la chanteuse dispose déjà à un niveau international, la RTSH jouerait sur du velours avec pareille représentante.

Reste l’inconnue majeure : le public étant exclu du vote, l’immense popularité d’Elvana ne lui sera d’aucune aide. Tout reposera sur un jury, ce qui rend le résultat de ce FiK 2019 aléatoire et imprévisible. Mais c’est aussi pour cela que l’on aime cette sélection albanaise à nul autre pareil…

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