Avez-vous déjà ressenti cette impression étrange et confuse de déjà-vu ? De vous être cru Bill Murray dans Un jour sans fin ?

C’est ce qu’il m’a semblé vivre ce dimanche, durant l’Eurovision Junior 2019. Cette après-midi, je l’avais déjà traversée, de la même manière avec les mêmes personnes. Rien n’avait changé : la représentante française était ma favorite ; la représentante polonaise, ma dauphine ; le spectacle était épatant ; j’ai ri durant deux heures trente ; les jurés ont voté dans un sens, le public dans un autre et la Pologne a gagné.

Étonnant comme cette édition 2019 aura présenté des similarités avec l’édition 2018. Ces réminiscences auront heureusement été joyeuses, drôles, émouvantes et passionnantes. L’après-midi aura filé à la vitesse de l’éclair et avec mes meilleurs amis, nous nous serons amusés au possible.

Innovation notable cette année et principal contraste avec 2018 : nous avons suivi l’événement sur France 2. Nous ne l’avons pas regretté une seconde. Stéphane Bern, Sandy Heribert et Angélina étaient très bien. Avouons-le : ils nous auront fait mourir de rire… involontairement. Il y aura eu pour nous trois gags récurrents :

  • les explications historico-architecturo-culturelles de Stéphane Bern, trop longues et interrompues en plein vol par la fin de la carte postale ;
  • la candeur et la fraîcheur d’Angélina, dont la multiplication des « trop » nous aura fourni ample matériel à imitation ;
  • les difficultés rencontrées par le trio pour établir une communication téléphonique avec Carla, qui aura donné lieu dans notre salon à une longue suite de saynètes situationnistes où la Terre entière souhaite parler à Carla, mais n’y parvient pas.

Vous l’aurez compris : nous avons souvent été pris de fous rires et n’avons pas été déçus un seul instant de cet Eurovision Junior 2019. Tous, nous avons été impressionnés par la qualité visuelle et artistique de la production, désormais digne de l’Eurovision Senior, et plus encore par la qualité musicale des chansons en lice et l’immense talent des dix-neuf participants. Ayant tourné la page de l’amateurisme et de l’a-peu-près, le Junior est devenu un divertissement de premier ordre et un passage obligé pour les Eurofans. Surtout, il devient l’antichambre du Senior. Ces enfants à voix feront dans une décennie de brillants et mémorables concurrents de mai.

Mais reprenons depuis le début !

Bien installés sur nos canapés, nous avons pris tous les sept la voie des airs jusqu’à Gliwice. Première impression : la vidéo d’ouverture, comme toujours, donne envie de visiter le pays-hôte. Premier regret : Stéphane Bern n’a pas le temps de placer Marie-Thérèse et Frédéric II dans son commentaire-fleuve sur l’histoire de la Silésie.

Nous sommes en admiration devant l’aplomb de ces enfants, qui affrontent avec naturel et décontraction, la foule, les ovations, le décor gigantesque et les yeux des caméras braqués sur eux. À leur place, je me déplacerais sans doute comme un pingouin maladroit.

Je hurle à tirer les morts de leur tombe, au passage de Carla. Ovation pour Viki, en terrain conquis. Charmante petite fille pour introduire les présentateurs, beau yaourt, vite pardonné. Entrée en scène de notre trio Ida, Aleksander, Roksana.

Ces trois-là ne m’auront pas convaincu du tout (euphémisme). À titre personnel, ils auront été mes maillons faibles d’une émission remarquable dans ses autres aspects. Ida m’a semblé nager dans des profondeurs trop grandes pour elle. Aleksander avait pour lui un physique très avantageux, mais m’est apparu creux et en délicatesse avec l’anglais. Quant à Roksana, elle m’a donné l’impression de poser sans discontinuer pour son fil Instagram. Néanmoins, rien de scandaleux, ni de méprisable dans leur présentation et leur attitude. Juste un manque d’humour, de naturel et de second degré susceptible de les propulser au panthéon des présentateurs mythiques.

Silence, le moment de la première chanson est arrivé !

AUSTRALIE

Je ris déjà sous cape à la perspective du piano jouant seul. Le salon rit immédiatement en voyant Jordan appuyer mécaniquement sur la même touche de son clavier. Décidément, une mauvaise idée de mise en scène… Ça y est, il se lève, l’instrument continue imperturbablement sa participation. Premier fou rire général. Le temps du refrain pour reprendre nos esprits et réaliser que la chanson est sans audace. Jordan s’attire quelques compliments. Le salon reste froid. Personne ne s’enflamme pour la proposition australienne. Jordan retourne au piano et s’en revient sous les rires. Sa prestation est remarquable, sa chanson nettement moins. L’Australie obtient des notes moyennes.

FRANCE

Impossible de me tenir sur ma chaise. Je gigote en tous sens d’impatience. Un profond silence s’abat sur le salon. Il durera les trois minutes de la prestation de Carla. Quant à moi, je suis subjugué et aux anges. Littéralement au paradis. J’adore. J’adore chaque seconde de cette prestation française. J’adore Carla, j’adore la mise en scène. Tout est parfait à mes yeux. Pour la première fois de ma vie, j’attribue 20/20 à un concurrent de l’Eurovision. Le salon ne pipe mot. Carla conclut sous les applaudissements les plus longs et les plus nourris de l’après-midi. La France s’envole dans tous les classements… à une exception notable près. L’un d’entre nous n’aime pas du tout cette proposition française. Des goûts et des couleurs… Chacun s’accorde sur le grand professionnalisme du visuel et de la réalisation. Ma note maximale propulse Carla au sommet de notre classement amical. Elle y trônera jusqu’au bout.

RUSSIE

L’ambiance redescend d’un étage. Le salon est frappé d’emblée par la voix étonnante de Denberel, avant de céder au fou rire devant ces costumes de cosmonautes recyclés. Le rire s’efface ensuite devant l’ennui. Personne n’est convaincu par cette proposition russe. Certains pointent le manque d’alchimie entre Tatyana et Denberel ; d’autres, le manque cruel d’intérêt de leur ballade. Une durable impression de déjà-entendu s’installe, qui ne quittera plus nos canapés et causera l’attribution de notes médiocres à la Russie. La dégringolade artistique se confirme depuis 2017, comme si leur victoire les avait rendu sourds…

MACÉDOINE DU NORD

Je souhaite à Mila une longue et brillante carrière de chanteuse. Au cas où cet avenir ne se réaliserait pas, il lui sera loisible de se reconvertir en mème perpétuel. Son visage lors du problème de micro est déjà iconique et restera gravé à jamais dans ma mémoire. Quant à ses autres mines et ses regards, ils nous auront causé de nombreux éclats de rire. Au point d’éclipser sa prestation et sa chanson… Ce qui est dommage, car chacun a reconnu la qualité de Fire. Certainement la meilleure proposition de la Macédoine du Nord au Junior, avec un visuel très réussi. L’on discutera ensuite sur les conseils à donner à une pré-adolescente se présentant devant la Terre entière. Valait-il mieux qu’elle garde contenance, quitte à dissimuler ses émotions ? Ou valait-il mieux qu’elle les exprime sans filtre, ni retenue, au détriment de l’illusion ? À méditer… Tout cela n’aura pas empêché la Macédoine du Nord d’être bien cotée de nos canapés.

Premier passage dans la green room. Carla est géniale. Je lancerais bien une souscription pour lui ériger une statue à Bruxelles.

ESPAGNE

Ayant détaillé à mes amis le comportement des Eurofans espagnols sur les réseaux sociaux, leur accueil de Melani fut circonspect. Quant à moi, j’ai tenté d’oublier mots et images rudes lus sur Twitter, sans y parvenir. Je dois en convenir : Melani possède un incroyable talent. Les fins connaisseurs musicaux parmi nous ont souligné sa remarquable amplitude de soprano colorature. Avant de se demander s’il était judicieux de lui attribuer une ballade au spectre vocal aussi restreint… Coquillages et crustacés, de mon côté, je ne puis encadrer Marte. Le salon accueille plus favorablement la chanson espagnole. De part et d’autre, on la trouve honnête et agréable. Melani s’attire quelques compliments. La magie sera rompue après deux minutes et trente-deux secondes. Melani pousse alors un cri qui fait sursauter tout le monde.

Le vent tourne pour l’Espagne. Ces vocalises reçoivent un accueil pour le moins mitiger et la note perçante finale ne vaut aucun applaudissement à Melani. Le salon est d’accord : trop de notes perchées, qui tuent la délicatesse et la simplicité de l’ensemble. L’Espagne flotte dans les classements.

GÉORGIE

Le salon est conquis par Giorgi, sa frimousse, son charisme, son talent et sa présence scénique. Les cœurs fondent, à commencer par le mien. Le jeune Géorgien conquiert son public bruxellois. Irrésistible ! Sa chanson plaît aussi. Mes amis la trouvent agréable et réussie. Surtout, elle met de la diversité musicale après ces ballades compassées. L’on se balance en rythme sur les canapés. Je suis ravi. Giorgi s’attire la première salve d’applaudissement depuis Carla. La Géorgie reçoit d’excellentes notes.

BIÉLORUSSIE

L’on ne pouvait imagine plus grand contraste entre deux propositions du Junior… Liza rappelle Zena à tout le monde. Le grand méchant look de ses danseurs retient l’attention des canapés. Pepelny n’est ni complimentée, ni critiquée. Une certaine indifférence s’installe. Personne ne comprend le visuel derrière Liza. Cette dernière déborde d’énergie. Un certain rire flotte car elle ouvre la bouche si grand qu’elle semble prête à avaler son micro. Le rideau retombe sur cette prestation biélorusse, sans susciter d’autres commentaires.

MALTE

Ici, par contre… La discussion s’enflamme immédiatement sur la tenue de scène d’Eliana, que le salon trouve peu flatteuse et réussie. Chacun se demande la part d’Eliana dans cette déroute vestimentaire. Sur ces entrefaites, le refrain est atteint et dépassé. Le salon se penche alors sur la chanson proprement dite, pour la trouver aussi peu remarquable que la mise en scène. Certains pointent le caractère répétitif et sans audace du morceau. D’autres, l’absence totale d’animation et la solitude physique de la chanteuse, qui semble perdue sur la scène. Une poussière d’ennui retombe sur les canapés, pressés à présent de gagner le pays suivant. Malte s’enlise dans les notes.

PAYS DE GALLES

Mes meilleurs amis ont fait écho à mon ressenti personnel. La chanson les aura intéressés dix secondes. Comme moi, ils ont cru à un bon morceau rock, avant d’en être détrompés et fatalement, d’en être déçus. Ne pouvant s’intéresser à la chanson, ils se sont donc concentrés sur Erin. S’en est alors suivi un long fou rire. La malheureuse avait subi un étrange relooking et semblait droit sortie des années 80. Paupières violacées, brushing bouffant, boucles d’oreilles surdimensionnées en plastique, une vraie machine à remonter le temps… Ces trois minutes galloises s’étirent, le salon s’interroge sur la présence d’échasses sous la robe d’Erin. Qu’y a-t-il alors ? Une plateforme mécanique ? Des danseurs ? La révélation suscitera un vaste éclat rire. Le salon est unanime : rien ne va dans cette proposition galloise. La délégation a enquillé les mauvaises idées jusqu’au ridicule. Le Pays de Galles obtient la plus mauvaise note provisoire.

Retour dans la green room. Aleksander mouline son texte. Giorgi et Mila sont tous seuls dans leur coin.

KAZAKHSTAN

Rarement aurais-je autant ri devant une prestation du Junior. Moi qui raffole du kitsch et du camp, j’ai été gâté. La délégation kazakh nous a concocté une mise en scène de comédie musicale qui rehausse encore le kitsch intrinsèque de Aq. Du bonheur à l’état brut ! Mes meilleurs amis ont été conquis par Yerzhan et l’ont trouvé à croquer. Ils ont été époustouflés par sa voix et son incroyable prestation. Avant de céder, eux-aussi, au fou rire. Cela débute par un invraisemblable yaourt, qui a fait douter jusqu’aux germanistes diplômés parmi nous. Et puis, et puis… tout ! Le perroquet, les papillons, les étoiles, les danseuses qui nous ont fait rugir de plaisir, le rideau, le changement de costume, les mimiques. Trois minutes écroulantes, mémorables, à pouffer et à s’étouffer sur nos canapés. Au final, personne n’a réellement été séduit par cette proposition kazakh. Elle ne collait pas à nos attentes et est venue se briser sur l’écueil de nos esprits sarcastiques. Ce qui n’enlève rien au talent de Yerzhan. Le Kazakhstan écope d’une note médiocre.

POLOGNE

Le temps de reprendre notre souffle. À peine… Malicieusement, je glisse ma feinte du mi-citron, mi-boule à facettes. Les rires repartent de plus belle. Viki démontre alors l’étendue de son talent en les faisant taire. Le salon replonge dans le silence. Chacun est attentif à cette autre proposition polonaise réussie. Les compliments portent sur la chanson, que chacun apprécie, et sur l’interprétation de Viki, brillante. L’on finit par oublier son étrange costume. L’ensemble est remarquable. Les danseurs complètent à merveille la mise en scène. Certains regrettent que Viki demeure statique. D’autres trouvent que c’est du niveau du Senior. Quelqu’un remarque qu’à la travestir en boule à facettes, l’on aurait pu au moins en jouer en l’éclairant dans la pénombre. Moi, je suis emballé sur ma chaise. Le Junior est réellement la rédemption des diffuseurs peinant au Senior. Viki a l’étoffe d’une pop star internationale. La digne successeur de Roksana. Sa prestation se termine sous les applaudissements. La Pologne obtient de très bonnes notes.

IRLANDE

Montagnes russes eurovisionesques. La proposition irlandaise est très mal accueillie. Durant ces trois minutes, personne ne parlera de la chanson, ni de la prestation d’Anna. Le feu roulant des critiques se concentrera sur son costume et son apparence. Tout y passera : son postiche, ses faux ongles, son maquillage, son costume, ses bottines. Il est vrai que la pauvre paraît sortie d’une opérette du XIXe siècle. Le salon estime que tout cela lui a été imposé par une délégation aveugle. Anna, hélas, finit par faire rire d’elle. L’on sent qu’elle compte dans sa tête la cadence de ses mouvements de bras, aussi artificiels qu’inutiles. Certes, elle chante bien. Mais le salon n’approuve rien, ni de la chanson, ni du visuel, ni de la mise en scène. Moi-même, je trouve abracadabrantesque cet ensemble. Non. Juste non. L’Irlande double le Pays de Galles dans la course à notre dernière place.

UKRAINE

Ce que j’avais craint, se réalise. Faute de mise en scène et de visuel pour mettre sa chanson en relief, Sophia semble perdue en plein désert. Cela déforce sa prestation, par ailleurs excellente. Mes amis n’accrochent pas à la chanson, qui les ennuie vite. Au refrain, des plaisanteries fusent sur les ayant droits. S’engage alors, entre les deux représentantes féminines de notre groupe, assises l’une à côté de l’autre, une longue discussion sur l’importance de porter des couleurs en accord avec son teint. Leçon que Sophia ne suit pas, hélas pour elle, et qui la désavantage à l’écran. À ma surprise, je prête plus attention à ce débat qu’à la proposition ukrainienne. Quelqu’un fait alors remarquer qu’ainsi coiffée et habillée, Sophia ressemble à la reine Mathilde en partance pour une soirée de gala. Fou rire général, car c’est bien vrai : Sa Majesté affectionne les soies pastel et les tailleurs pantalons quand elle se rend à des pinces-fesses chicos. Là-dessus, l’Ukraine récolte de notes fort moyennes.

PAYS-BAS

La concentration revient. D’une part, parce qu’il s’agit de nos autres voisins. D’autre part, parce que Matheu a retenu l’attention de chacun. Le salon s’accorde sur son professionnalisme, sa contenance, son aplomb et son talent. Ses danseurs sont aussi l’objet de louanges. Tout le monde trouve le tableau et la mise en scène, réussis. Un certain silence s’installe, signe indéniablement que la magie opère. Les canapés s’animent, DMJ étant une chanson dansante. Les Pays-Bas font mouche. Je me gondole doucement. L’accent batave me ravit. J’en suivrais le Junior rien que pour cela. Mine de rien, l’on révise également son néerlandais. La prestation de Matheu se termine sous de longues salves d’applaudissements. Les Pays-Bas obtiennent d’excellentes notes et s’envolent dans notre classement général.

Retour sur Aleksander, qui peine sur ses textes. Même les mômes s’en sortent mieux avec l’anglais…

ARMÉNIE

Il y a des stylistes qui mériteraient des claques. À commencer par celui ou celle qui a affublé Karina de ce volumineux nœud en tulle rose, qui la transforme en décoration de gâteau de mariage. La discussion reprend âprement entre les deux représentantes féminines du salon. L’une suggère une autre couleur. L’autre, une autre matière. Toutes deux, bientôt suivies par le restant des canapés, tombent d’accord : ce costume est un mauvais choix. Non seulement, il ne flatte pas Karina, mais en outre, il l’entrave. Il aurait plus judicieux de lui faire accomplir une petite chorégraphie pour dynamiser sa prestation. Vocalement, la chanteuse met notre public d’accord : elle est remarquable. Passés les déroulés vocaux du début, chacun (même moi) est repris par COYD. Mes meilleurs amis apprécient la chanson et la prestation de Karina, mais estiment qu’il s’agit d’une occasion manquée pour l’Arménie. La délégation se sera égarée dans la forêt des mauvaises idées. Les notes sont bonnes, sans plus.

PORTUGAL

Je n’ai pas autant ri que durant les trois minutes kazakhes, mais j’ai tout de même sacrément ondulé des côtes durant ces trois minutes portugaises. Mon mari a trouvé cela assez dément ; mes meilleurs amis ont dressé la longue liste des erreurs accumulées par la délégation portugaise. Pendant ce temps-là, Joana, perdue sur la scène, défendait vaillamment son morceau. En vain. Les critiques ont cédé la place aux rires. Le salon a désigné cette proposition comme la plus mauvaise de l’après-midi et de ce Junior 2019. Le visuel Power Point, très frontal, aura concentré les sarcasmes, avant de céder le pas à cet abominable remix. Les canapés se sont accordés sur l’aspect très bon marché / fins de mois difficiles de l’ensemble. Un beau loupé… Sans surprise, le Portugal est sanctionné de notes catastrophiques et décroche la lanterne rouge de notre classement personnel.

ITALIE

Le salon s’interroge sur l’omniprésence du tulle dans à peu près tous les costumes de scènes des chanteuses. L’UER aurait-elle bénéficié d’un déstockage massif ? Marta Viola détourne avec bonheur l’attention par son interprétation remarquable. Sa jeunesse, son talent et sa fraîcheur sont soulignés et appréciés. Sa chanson, en revanche, reçoit un accueil tiède. Elle n’émeut, ni n’emballe. Une première lassitude s’installe parmi nous. Trop de monde sur le même créneau. Marta Viola aura tout intérêt à s’inscrire un jour à Sanremo et l’Italie, à revenir l’année prochaine, avec une chanson plus hors des sentiers battus et rebattus. Les notes sont faibles.

ALBANIE

Y a-t-il une styliste dans la salle ? C’est pour une urgence ! Le fou rire nous revient aux lèvres. Cette robe, cette robe ! L’on dirait une dispute costumière entre les fées de la Belle au Bois Dormant.

Isea impressionne par sa maîtrise vocale et sa prestation, digne des plus grandes divas albanaises. Sa chanson ennuie clairement le salon. La discussion finit par dériver sur le Festivali I Këngës que chacun attend avec impatience. L’on imagine déjà Isea dans dix ans, fardée et rhabillée, nous distrayant sous le sapin. Je le lui souhaite à titre personnel. Quant à l’Albanie, elle tourne en rond au Junior. Mais une chose à la fois pour la RTSH. Ces trois minutes reçoivent des notes correctes, plus pour Isea.

SERBIE

Je suis assez stupéfait. Nous en sommes déjà à la dernière chanson ! Un an d’attente pour quelques minutes de musique, telle est la cruelle loi de l’Eurovision. Comme l’an dernier, le salon est déconcentré, l’esprit déjà tourné vers le vote. Comme l’an dernier, la dernière prestation nous ramène à l’écran. Le magnétisme et le charisme de Darija font merveille. Le silence revient. De toutes les ballades sur le climat, c’est celle-ci que mes meilleurs amis préfèrent, me suivant en cela. Darija en impose et nous sert magistralement sa chanson, une ballade balkanique de la plus belle eau. Le salon est frappé par la très bonne mise en scène. Il est vrai que la délégation serbe a fait montre d’intelligence et de sagacité. Le résultat visuel est attractif et justement dramatique. À ma propre surprise, je redécouvre Pg. Mes amis sont conquis. Les notes finales sont bien plus élevées que je ne l’aurais pensé. La Serbie se hisse en haut de notre classement. Le final, très réussi, est fort applaudi.

L’heure est venue de voter. Chacun se penche sur son tableau, pour retrouver ses cinq favoris. La France, les Pays-Bas, la Serbie et la Pologne s’imposent. Place aux entractes, à commencer par Roksana.

Que de changements en un an… Roksana est passée de jeune adolescente à jeune femme. Sa prestation est excellente. L’on se croirait aux MTV Music Awards. Quant à son titre, il méritait sa victoire de l’an dernier.

Arrive mon moment rituel préféré du Junior : la reprise par tous les participants de la chanson-thème. Un très beau moment d’union musicale et eurovisionesque. Plus personne dans le salon ne se souvient de Gromee. Sic transit gloria mundi…

Belle surprise, ensuite, de la part d’Ida. Son ballet, magistralement exécuté, est un enchantement, une réussite. Mais déjà, place au suspense, au stress, à l’angoisse, au doute et à la perplexité. Place au vote ! À commencer par celui des jurés nationaux.

La personne qui a eu l’idée de ces enveloppes impossibles à ouvrir aura, j’imagine, été privée de sa prime de fin d’année. Les premiers votes nous semblent conformes à nos attentes. La montée progressive du Kazakhstan nous ramène à nos questions existentielles habituelles : avons-nous regardé le même spectacle ? Les votes s’égrènent et Yerzhan consolide son avance. L’incompréhension s’installe durablement. Les jurés se sont emballés pour une proposition qui nous a causé des fous rires à ses dépends… Pendant ce temps-là, le Portugal affiche un horrible « nul point ». Ce premier tour de vote s’achève sur une victoire marquante du Kazakhstan.

Ceci dit, rien n’est joué. Place au vote du public. Et place à une Ida survoltée, exaspérante au possible, qui m’aura tendu les nerfs à l’extrême.

Le Portugal est sauvé du « nul point ». Mais ce sera Malte qui terminera à la dernière place. Personne ne verse une larme. Les attentions se concentrent sur les pays restants. Qui battra le Kazakhstan ? Je lance des prières au ciel pour que ce ne soit pas l’Espagne. La tension monte, Ida bafouille. La France s’envole à la première place. Je pousse un cri de joie. Néanmoins, la marge de points avec le Kazakhstan est trop limitée que pour espérer une victoire de Carla. Tristesse…

Les Pays-Bas deviennent numéro un à leur tour. La salon approuve, mais le Kazakhstan demeure en embuscade. Catastrophe prévisible : l’Espagne prend la tête. Tous mes espoirs reposent à présent sur la Pologne. Faites le ciel… Merci, petit Jésus ! La Pologne s’empare de la première place. Je me mords le poing. Pas le Kazakhstan, pas le Kazakhstan. Et…

…non ! Pas le Kazakhstan ! La Pologne l’emporte ! Cris de joie (et de soulagement) dans le salon ! Ida, de son côté, perd complètement la boule.

Viki remonte sur scène pour la reprise finale, entourée de tous les participants, la meilleure image, le meilleur souvenir de ce Junior 2019. De son côté, le salon est soulagé. La Pologne figurait parmi ses favoris. La gaieté est sauve !

Après décompte, voici notre classement final :

  1. France – 15,86
  2. Serbie – 15,83
  3. Pays-Bas – 15,59
  4. Pologne – 15,58
  5. Géorgie – 15
  6. Macédoine du Nord – 14,71
  7. Arménie – 14,08
  8. Espagne – 13,79
  9. Australie – 13,33
  10. Biélorussie – 13,29
  11. Albanie – 12,67
  12. Kazakhstan – 12,5
  13. Ukraine – 12,25
  14. Italie – 12,17
  15. Malte – 11,79
  16. Russie – 11,07
  17. Pays de Galles – 10,14
  18. Irlande – 9,3
  19. Portugal – 8,66

Cela se joue dans un mouchoir de poche, comme souvent. Nous sommes demeurés hermétiques aux propositions espagnoles et kazakhes, au profit des propositions serbes et géorgiennes. Comme l’an dernier, nous aurions plutôt accordé la victoire à la France, dont la proposition s’accordait à la perfection à l’idée que nous nous faisons de l’Eurovision Junior.

Cette seconde victoire polonaise pose bien entendu question pour l’avenir. Le système de vote du Junior est plus imparfait que celui du Senior. L’idéal serait de recourir au télévote, sans possibilité de voter pour son propre pays. Mais est-ce possible pour les pays aux faibles taux d’audience ? Le débat reste entier…

Ainsi se conclut notre Eurovision sans fin. Merci à Bill Murray pour son apparition ! J’espère que vous avez passé, de votre côté, une après-midi aussi festive, colorée et amusante que la nôtre. Mes amis et moi-même vous adressons nos salutations et nos amitiés depuis Bruxelles ! À très bientôt pour d’autres aventures sur L’Eurovision au Quotidien !