Cela fait deux ans que je subis sans rien dire, que je souffre en silence ! Deux ans que je déteste la contribution que l’on envoie à l’Eurovision ! Deux ans que l’on a un beau message, de bonnes intentions, mais une chanson plate, oubliable, sans saveur et sans intérêt ! Deux ans qu’on avait tellement mieux dans notre sélection nationale et qu’on a laissé passer de belles opportunités de cartonner (MALO’ et Seemone, je ne vous oublierai jamais).

Je suis fatiguée de jouer sans cesse la rabat-joie antipatriotique, alors j’ai décidé d’employer les grands moyens ! « La scène française ne manque pas de talents, bien au contraire ! » me suis-je dit.

Partant de ce constat, j’ai rédigé une liste regroupant les pépites les plus prometteuses, puis j’ai choisi, parmi mes multiples coups de cœur, les quatre propositions qui me semblaient les plus cohérentes. Comme ils sont quatre, je leur ai attribué un petit surnom: « Les Quatre Saisons ».

Les heureux élus sont donc Videoclub, Broken Back, Mathieu Saïkaly et Silly Boy Blue, et je vais me faire une joie de vous les présenter. Dites-vous que vous avez échappé à bien plus d’exubérance: je vous ai épargné le détonnant mélange des genres de Johan Papaconstantino, la folie psychédélique de Feu ! Chatterton ou encore la provocation décomplexée de Thérapie Taxi ; l’Eurovision n’est pas encore prêt pour ça !

Sans plus tarder, commençons les présentations de ces musiciens, aussi éclectiques et poétiques que les « Quatre Saisons » de Vivaldi !

Le printemps avec Videoclub

Le printemps arrive, le soleil pointe le bout de ses rayons, la nature se réveille petit à petit, et les romances fleurissent. Qui de mieux, à part The Pirouettes bien sûr, que Videoclub pour représenter cette saison insouciante et joyeuse ?

Qui sont-ils ?

Videoclub est un duo français, formé tout récemment par la vidéaste, chanteuse et actrice Adèle Castillon, et par le compositeur-interprète Matthieu Reynaud. Leur premier single « Amour Plastique » est sorti en septembre dernier, et accumule déjà plusieurs millions de vues. Leur style semble séduire à l’étranger, vu le nombre faramineux de commentaires en anglais que l’on peut trouver sous la vidéo. Leurs singles suivants, « Roi » et « En Nuit » sont tout aussi bien accueillis, et l’on attend maintenant avec impatience de nouvelles chansons…

Et pourquoi pas un album !

Quel est leur univers ?

Le style de Videoclub évoque un peu celui de Zala Kralj et Gasper Santl, mais auquel on aurait ajouté la touche rétro de Lake Malawi. Leur électro-pop pleine de soleil et de douceur se caractérise par une esthétique résolument vintage ; on se croirait retombés dans les années 80. Leurs élégants textes écrits en français évoquent l’amour et les passions adolescentes avec autant d’espoir que de mélancolie. Les mots sont tantôt récités, tantôt chantés, et les jolies voix d’Adèle et Matthieu s’entremêlent à la perfection.

Leurs points forts

Leurs chansons sont entraînantes et entêtantes. Leur côté vintage ravira les plus nostalgiques, leur adorable complicité séduira les plus romantiques.

Leurs points faibles

Leur univers est peut-être un peu trop indie, et pas assez accessible. Il n’est pas sûr qu’un téléspectateur lambda y accrocherait à la première écoute.

Chanson à écouter d’urgence

Autres titres à découvrir

Alors, que pensez-vous de Videoclub ? Les trouvez-vous adorables et originaux, ou alors bien trop indie pour l’Eurovision ? À vous de me le dire !

Passons à l’artiste suivant.

L’été avec Broken Back

Ah, l’été et ses plages de sable blanc… L’Océan à perte de vue, les vacances, les soirées beaucoup trop chaudes. Qui dit été dit danse et bronzage, et c’est là qu’intervient Broken Back.

Qui est-il ?

Broken Back, de son vrai nom Jérôme Fagnet, est un auteur-compositeur-interprète originaire de Saint-Malo en Bretagne. Il a choisi son pseudonyme, qui signifie « dos cassé » en anglais, parce qu’il s’est littéralement cassé le dos. Pendant sa convalescence, à la suite d’un déplacement vertébral, il se met à la guitare, et commence à composer ses propres morceaux qu’il poste sur Internet.

Le succès est au rendez-vous, et c’est en souvenir de cette période de sa vie que Jérôme choisit son nom de scène: Broken Back. Après un EP prometteur sorti en 2015 (« Dear Misfortune, Mother of Joy »), il publie son premier album, baptisé Broken Back, en novembre 2016. L’album est très bien accueilli, et lui vaudra une longue tournée à travers le monde, ainsi qu’une nomination aux Victoires de la musique 2017, dans la catégorie « Victoire du Groupe ou artiste Révélation Scène de l’année ».

Il prépare actuellement son second album, qui devrait sortir en 2020, et on l’a vu arpenter les festivals cet été. Il était notamment à l’affiche des prestigieuses Francofolies de La Rochelle.

Quel est son univers ?

Broken Back décrit lui-même sa musique comme étant de l’électro-folk. Ses morceaux, chantés en anglais, racontent des histoires; je pense notamment au diptyque « Better Run/Got to Go », que l’on retrouve sur son album, et qui conte l’aventure d’un garçon qui en a assez d’être toujours gentil et bien élevé, et va voir le Diable pour essayer de devenir un bad boy. Mais personne ne le prend au sérieux une fois revenu des Enfers ; il aura beau essayer d’être un voyou, il n’en sera jamais un. Son style se caractérise aussi par son côté aigre-doux ; Broken Back se plaît à mélanger des paroles mélancoliques et parfois sombres sur des rythmes joyeux et dansants. Les jolies mélodies de ses chansons, parsemées de petites pointes exotiques, sont rehaussées par sa voix éraillée que l’on reconnaît entre mille.

Ses points forts

Une voix belle et originale, un style accessible à tous sans être bateau, des textes intégralement en anglais (les amateurs de la francophonie vont encore tempêter, mais si on peut être compris par une plus large majorité, autant tenter le coup), des chansons rythmées qui feront danser l’Europe.

De plus, ayant eu l’occasion de le voir en concert, je peux vous assurer que sur scène, il est impeccable, débordant d’énergie et de charisme.

Ses points faibles

Certains auront tendance à trouver sa musique trop générique, trop radio-friendly. D’autres risquent de ne pas apprécier sa voix. Et, comme dit plus haut, le fait qu’il chante intégralement en anglais pourraient froisser les amateurs de la langue française.

Titre à découvrir d’urgence

Autres titres à écouter

Alors, quel est votre avis sur Broken Back ? Fera-t-il danser l’Europe ou subira-t-il le même sort que Victor Crone ? Sa voix éraillée charmera-t-elle le public ou le déstabilisera-t-elle ? J’attends vos réponses avec grande impatience.

Changeons radicalement d’ambiance avec le troisième artiste de ma sélection.

L’automne avec Mathieu Saïkaly

« Les sanglots longs des violons de l’automne blessent mon cœur d’une langueur monotone », disait Verlaine. Et il n’avait pas tort. L’automne et sa belle mélancolie, l’automne, cette saison d’entre-deux qui porte en elle la douceur de l’été et la tristesse de l’hiver, sera parfaite pour parler de Mathieu Saïkaly.

Qui est-il ?

Mathieu Saïkaly s’est fait connaître en 2014, en remportant le télécrochet « La Nouvelle Star ». Cependant, il postait déjà des covers sur sa chaîne YouTube depuis 2010. Il a déjà à son actif un EP (« Mathieu Saïkaly »), et un album (« A Million Particles »), tous deux sortis en 2015.

Actuellement, il prépare son second opus, qui devrait vraisemblablement sortir à la fin de l’année, ou peut-être début 2020. Quoiqu’il en soit, Mathieu Saïkaly a déjà dévoilé deux singles pour nous aider à patienter: « Jeux d’ombres » et « Je ne me souviens de rien ».

Quel est son univers ?

L’univers de Mathieu Saïkaly pourrait être décrit comme de la pop-folk, quoique l’on puisse aussi y dénicher quelques soupçons de rock, notamment dans le titre « Jeux d’ombres ». Sa voix de cristal est d’une profonde douceur, et pourrait évoquer MALO’ mais aussi l’envoûtant Tamino. Si on devait le comparer à d’autres Eurostars, je dirai qu’il me rappelle un peu Tom Dice, mais aussi et surtout Duncan Laurence. Une indéniable sensibilité, et surtout une touchante authenticité, émanent de ses chansons, qui sont de petits diamants à écouter, encore et encore, jusqu’à l’obsession.

Ses points forts

La sensibilité, la sincérité, des textes subtils et mélancoliques, un style unique, une voix d’ange.

Ses points faibles

Un univers peut-être un peu trop planant ou mélancolique qui pourrait décourager le spectateur lambda ; il risque d’être jugé trop « déprimant » ou trop peu accessible.

Le titre à écouter d’urgence

Autres titres à découvrir

Allez aussi découvrir, sur son compte Instagram, les covers qu’il y a posté pendant tout l’été, elles sont aussi belles que bluffantes.

À votre avis, la sensibilité exacerbée et la voix d’or de Mathieu Saïkaly toucheront-t-elle l’Europe entière ? Ou son style est-il un peu trop artistique pour le concours ? Vous seuls pouvez me le dire !

Et maintenant, je vous propose de terminer cette chronique en beauté, avec la quatrième et dernière artiste de cette sélection.

L’hiver avec Sillý Boy Blue

L’hiver arrive, avec ses flocons de neige, ses festivités, sa froideur, et la bonne vieille grippe qui va avec! Bien que paraissant glacial et morne, l’hiver n’en reste pas moins fascinant, et c’est ce contraste qui définit à merveille Silly Boy Blue.

Qui est Silly Boy Blue ?

Silly Boy Blue, de son vrai nom Ana Benabdelkarim, emprunte son pseudonyme au génie qu’était David Bowie. La demoiselle a de jolies références, c’est indéniable !

Elle s’est d’abord fait connaître en 2016, en posant sa voix vaporeuse sur l’album « Another World » du groupe nantais Pégase. (Notez au passage que le groupe en question sait bien s’entourer, puisque l’artiste Voyou, dont je prévois de parler dans une prochaine chronique, en fit également partie avant de démarrer son projet solo).

En 2018, elle publie son premier EP, « But You Will », qui intrigue les médias et fait sensation.

Cette année, elle a remporté le tremplin « Les Inouïs » organisé par « Le Printemps de Bourges », et l’on a pu la voir à l’affiche de nombreux festivals très cool, notamment « Rock en Seine ».

En dehors de la musique, Silly Boy Blue est aussi journaliste.

Quel est son univers ?

Les chansons de Silly Boy Blue sont aussi élégantes que mélancoliques, mettant parfaitement en valeur la grande beauté de sa voix douce, calme, mais empreinte d’émotion et de sensibilité. Elle chante en anglais, et son style me rappelle un peu celui du groupe écossais CHVRCHES.

Du côté des Eurostars, elle m’évoque Blanche, mais aussi les troublantes Barbora Mochowa et Lilly Among Clouds que l’on a pu croiser au détour des finales nationales tchèques et allemandes cette année.

Ses points forts

Un univers hypnotique, une voix intense sans en faire trop, un certain charisme qui fascinera sans doute l’Europe.

Les amateurs d’indie-pop vont l’adorer, c’est sûr !

Ses points faibles

Un style peut-être trop froid, trop sombre, trop mélancolique.

Elle pourrait risquer de subir l’injuste traitement que les Eurofans réservèrent à la pauvre PAENDA cette année.

Le titre à écouter d’urgence

Autres titres à découvrir

Que penser de Silly Boy Blue ? Hypnotisera-t-elle le public comme le fit Blanche en 2017 ? Ou est-elle trop mélancolique pour cette grande fête musicale ? Je vous laisse seuls juges sur cette question.

Et voilà !

Vous avez découvert tous les artistes que je souhaitais vous présenter… Enfin, pour le moment !

Il est fort possible que je revienne vous tourmenter avec d’autres propositions.

En tous les cas, au travers de mes choix, je voulais vous montrer ceci :

Si la France veut espérer approcher un top 10, il faut qu’elle démontre toute la beauté et la richesse de sa scène musicale, aussi unique et originale soit-elle.

Un seul pays l’a bien compris dans le Big 5: c’est l’Italie, et nous devrions suivre son exemple !

Sur ce constat, je file à l’anglaise : je retourne écouter les meilleurs gagnants de l’Eurovision Junior. Il faut bien que je sois prête pour le 24 novembre !

Musicalement,

Juliette